"L'insurrection qui vient"

Publié le par Alda


Jean-Sebastien Mora


Rien de nouveau, sinon le battage médiatique 

Il y a déjà plus de 2000 ans les grecs annonçaient le désastre et la fin de l'humanité, les sémites le jugement dernier biblique. Aujourd'hui, le comité invisible annonce que "le futur n'a plus d'avenir" au travers d'un bréviaire anarchiste intitulé "L'insurrection qui vient" (IQV). Publié par les éditions La Fabrique et passé inaperçu lors de sa publication en 2007, l'ouvrage est aujourd'hui un best-seller car la police suppose que derrière son auteur "invisible", se dissimule Julien Coupat, soupçonné d'être un des auteurs des sabotages des caténaires de TGV dans ce que les médias appellent "l'affaire de Tarnac".

Rien de nouveau
Le livre qui débute par la phrase "sous quelque angle que l'on le prenne l'avenir est sans issu" annonce d'entrée le caractère pessimiste de la démonstration qui va suivre. "L'IQV" dénonce l'individualisme et les dérives de nos modes de vie, la destruction de l'environnement par la société de consommation, les ravages du contrôle étatique ou encore les dangers du travail.
On peut rejoindre certains constats très noirs décrits par le "collectif invisible", mais les enjeux des sociétés post modernes ont déjà étés largement décrits, analysés et bien mieux expliqués par un bon nombre de philosophes et de sociologues dont Foucault, Castoriadis, Benasayag ou Chomsky notamment. Finalement par son coté radical et subversif, le seul intérêt de l'ouvrage réside dans sa lecture jubilatoire et par une perceptive historique nouvelle. Et encore ! Les auteurs enchaînent les critiques d'un phénomène sans vraiment bien décrire les mécanismes et l'on n'apprend pas grand-chose dans l'"IQV". Sans référence à d'autres auteurs, l'ouvrage est bourré d'argumentaires anonymes  "un criminologue […], les sociologues [..], un officier" qui ressemblent à des partis pris. De plus, les idées défendues sont souvent contradictoires. Or comment lutter contre ces processus si l'on ne comprend pas leurs mécanismes ? En détruisant tout azimut ? "Lorsque le seul outil à votre disposition est un marteau", écrivait Abraham Maslow "tous les problèmes ont tendance à ressembler à des clous".

Moyens préconisés
Le mode d'organisation promu par le Comité invisible est "la commune" assemblée d'individus se rassemblant non sur la base d'un programme politique en tant que tel, mais d'abord par des liens affinitaires. Des microstructures qui sont par essence instables et incontrôlables et on se prend à douter de la possibilité de passer de la théorie à un projet politique à vocation collective. Surtout quand il est préconisé l'emploi des armes et l'usage de la violence pour libérer par exemple "le territoire de l'occupation policière". Du coup, le lecteur peut vite se demander si la zone tribale Pakistanaise n'est pas conforme à la définition de "communes".
Comme moyens d'action et d'organisation, le CI préconise les pratiques illégalistes, la fraude au chômage, à l'allocation et aux bourses, le vol et le sabotage. Le collectif appelle le peuple à s'approprier le pouvoir localement, à s'affranchir du travail et à anéantir les forces de police. Des méthodes de rébellion politique comparables à celle du mouvement ultra-gauche autonome des années 70 avec beaucoup de références à la culture des squats. Mises à part quelques allusions à l'auto-production, le CI appuie à plusieurs reprises sa démonstration à partir des émeutes des banlieues de 2005. Une analyse fragile quand on sait que la culture "racaille" qui se résume à "des putes, de la tune, des fringues stylés et des mercos" est une sous culture poussée à son extrême de la société libérale marchande.
Bien sûr comme l'écrivait Foucault "l'Etat a le monopole de la violence", réapprendre à se battre et user de la violence participe à un processus de libéralisation. Il est également très important de réfléchir à la place du travail dans la société. Mais difficile dans le chapitre "l'insurrection" de lire une véritable stratégie associée à la violence qui ne soit pas précaire ou vouée à l'échec. P.115 "Il n'y a pas à  poser une forme idéale à l'action [..] Tout bloquer, voilà le premier réflexe …".
"Il n'y a rien de pire qu'une révolution ratée, car les conservateurs reviennent au galop" écrivait Bourdieu.
Penser comme le faisait Action Directe qu'abattre un patron conscientise les masses n'a fait que renforcer le pouvoir étatique et sa légitimité, mais aussi la peur et donc la soumission de la majorité des individus.

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