“Une voiture partagée remplace au moins huit voitures”

Publié le par Alda

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par Daniel Faudry, économiste, spécialiste de l'environnement et président de l’association Alpes Autopartage.


L’autopartage est un élément indispensable

d’une alternative crédible à la voiture individuelle


La fin du pétrole pas cher, la question du transport ou le thème de l’empreinte écologique ont déjà été abordés dans Alda! Cette semaine, l’interview de Daniel Faudry, directeur d’Alpes AutoPartage (à Grenoble), nous permet de voir comment une initiative locale peut apporter une réponse concrète à ces enjeux globaux.

Qu’est-ce que l’autopartage ?

L’autopartage consiste à mutualiser l’usage d’une flotte de véhicules entre des abonnés, pour qui ces véhicules sont pratiquement en libre service. Ce service s’adresse autant aux particuliers qu’aux professionnels.
L’autopartage constitue un élément indispensable d’une alternative crédible à la voiture individuelle, puisque les transports collectifs ne peuvent pas satisfaire à eux seuls les besoins de transport. En dissociant l’usage de la voiture de sa propriété, il permet un usage raisonné de la voiture et favorise un report modal des déplacements vers les modes doux et les transports collectifs.
En pratique, l’abonné réserve la voiture de son choix pour une durée déterminée, l’ouvre et désactive l’anti-démarrage avec le badge qui lui a été remis lors de la signature de son contrat d’abonnement, effectue son trajet (une heure, trois heures ou plusieurs jours) et ramène le véhicule à la station de départ quand il n’en a plus besoin. Il reçoit une facture mensuelle en fonction de ses utilisations tarifées généralement à la durée et à la distance.
Les voitures sont stationnées en divers emplacements réservés, dans des parkings publics ou sur la voie publique et sont accessibles 24/24, 7/7.
Les différences avec la location classique sont :
* l’accessibilité sans formalité autre que la réservation,
* la dispersion des emplacements (dans le centre de Grenoble les stations sont distantes de moins d’un kilomètre), ce qui fait que presque tout le monde a une voiture à moins de 500 m de son domicile ou de son lieu de travail,
* la facturation en fonction de l’usage réel (à la minute et à l’hectomètre).
L’autopartage est ainsi un service de proximité qui remplace la voiture personnelle ou la voiture de service pour tous particuliers qui n’ont pas un besoin quotidien d’une voiture et pour les professionnels qui ont des besoins très variables.
Une voiture partagée remplace au moins huit voitures, ce qui diminue l’espace consacré au stationnement. L’autopartage est aussi un facteur de réduction de la circulation automobile puisque ses abonnés utilisent davantage les modes doux et les transports collectifs et n’ont pas besoin de trajets perdus à la recherche de places de stationnement.

Depuis quand existe l’autopartage ?

L’autopartage a commencé de manière très empirique en 1987 en Suisse alémanique et à Berlin. Des expériences sans lendemain avaient été tentées dans les années 60 à Amsterdam et à Montpellier entre autres. Il s’est vraiment développé dans les années 90, grâce à la micro-informatique et à la télématique ; sans ces techniques l’autopartage n’aurait pas pu atteindre le niveau de développement qu’il a actuellement.
En France, le premier service a été lancé à Paris, en 1999, puis à Strasbourg, Marseille, Lyon, Grenoble etc. Jusqu’à l’été 2007, tous les services ont reçu des aides publiques au démarrage et tous sauf un ont été créés sous forme associative ou coopérative ; depuis cette date, c’est l’inverse.
Presque toutes les créations sont le fait de capitaux privés : la démonstration de l’existence d’un marché par les pionniers de l’économie sociale et solidaire a attiré les grands loueurs et les opérateurs de transport collectif.

Quelles sont les caractéristiques d’Alpes Autopartage?

Alpes AutoPartage a démarré en 2005 avec six voitures dans quatre stations et un bénévole. Le démarrage a été possible grâce à des aides des collectivités locales et de l’ADEME. La difficulté a d’abord été de convaincre les élus de la faisabilité du service, à un moment où il n’en existait que deux ou trois en France, puis de le développer avec des moyens humains très limités, les subventions étant modestes. Au total, Alpes AutoPartage aura reçu moins de 300 000 euros de subventions, soit moins que le coût d’un bus.
Il y a maintenant 27 voitures dans 23 stations de l’agglomération de Grenoble, pour 440 utilisateurs. A ceci s’ajoute 14 voitures à Chambéry, puisque l’association rachète l’activité d’autopartage lancée par un loueur de cette ville qui ne peut plus en supporter le financement. En même temps, l’association se transforme en société coopérative d’intérêt collectif ; le capital (70 000 euros actuellement) est apporté principalement par les utilisateurs et les porteurs du projet, ainsi que par les Cigales de l’agglomération et France Autopartage, la coopérative d’entreprise qui regroupe les services les plus anciens, appartenant presque tous au champ de l’économie sociale et solidaire.
Avec cette transformation, Alpes AutoPartage est sur des rails institutionnels et financiers solides et devrait atteindre l’équilibre économique en 2011. A partir de cette date, la perspective est d’étendre le service à Annecy puis aux autres villes de la région.

A quels a priori avez-vous dû faire face ?

On reproche parfois à l’autopartage d’utiliser des voitures à moteur thermique donc polluantes. C’est tout simplement parce que les voitures électriques n’ont pas une autonomie suffisante pour des usages qui sont très variés: l’autopartage est un service pour des urbains mais pas pour des déplacements principalement urbains. Tant qu’il n’y aura pas un réseau de bornes à recharge rapide ou de stations d’échange de packs de batteries, la voiture électrique restera en ville. Un service d’autopartage peut avoir quelques véhicules électriques à partir du moment où sa flotte et le nombre d’utilisateurs sont assez importants pour qu’il puisse supporter le surcoût de ces voitures.
La voiture électrique est aussi présentée par les constructeurs automobiles comme la réponse à la nécessité de réduire les gaz à effet de serre. On peut l’admettre si on laisse de côté la question des pollutions liées à la production d’électricité (nucléaire ?) et au cycle de vie des batteries. Mais une voiture même électrique reste une voiture et provoque les mêmes effets d’encombrement et de congestion qu’une voiture thermique. Le meilleur exemple de fausse bonne idée est sans doute celui des autolib de Delannoë : les 4 000 voitures électriques prévues seront 4 000 voitures de plus à faire stationner et à circuler. On ne voit pas pourquoi les Parisiens renonceraient à avoir leur voiture pour se servir des autolib, puisque celles-ci ne pourront pas offrir les mêmes usages.

Quel enseignement tirez-vous des premières expériences d’autopartage?

Le premier enseignement à tirer des expériences françaises d’autopartage est que le lancement d’un service est coûteux et que l’équilibre économique est long à trouver. Sur la quinzaine de services existant actuellement en France, seuls deux équilibrent leurs comptes, Caisse Commune lancé en 1999 et Autotrement en 2001. Il leur a fallu six ans. On peut dire que la politique de déplacements (offre de TC, restriction à l’accès au centre, stationnement) est une composante importante du succès. Il est donc nécessaire d’avoir l’appui des collectivités locales, puisqu’elles sont responsables de ces politiques.
La société coopérative d’intérêt collectif est sans doute un outil intéressant pour lancer un service d’autopartage, puisque les besoins de financement sont importants et qu’il ne faut plus compter sur les subventions, maintenant que l’autopartage fait partie du secteur concurrentiel. Ce statut permet de mobiliser des fonds, à commencer par ceux des utilisateurs, hors de portée d’une société classique. Ce statut est le plus fréquent dans les services autres que ceux des grands loueurs ou opérateurs de transport.

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M
<br /> <br /> il est évident qu'il faut sortir de la voiture comme une propriété. Elle doit devenir un service pour tous, pour qu'on puisse enfin penser à limiter leur nombre. Les communes l'ont d'ailleurs<br /> bien compris, le nombre de villes proposant des systèmes d'autopartage explosent: lyon, nice, toulouse, paris...et d'autres s'y interessent : orleans, montbelliard...<br /> <br /> <br /> <br />
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