Etre sobre et efficace pour durer !

Publié le par Alda














Jean-Stéphane Devisse,
responsable du pôle Changement climatique et Politiques publiques de WWF,
a coordonné en 2007 l’action des ONG pendant le Grenelle de l’Environnement



“Les crises économiques et sociales montrent
que nous agissons sans outil de navigation”

Jean Stéphane Devisse, a vécu longtemps au Pays Basque et y garde encore de nombreuses attaches. Le vendredi 7 novembre, il donnera une conférence au Forum de Bayonne sur le Changement Climatique et traitera le thème “Transports, urbanisme et aménagement du territoire”. Voici quelques réflexions qu’il a partagées avec Alda!


Confluence des crises...
Actuellement on se situe à un moment où on commence à sentir une confluence des crises. D’une part, la crise financière et économique. De l’autre la crise sociale liée à l’insatisfaction des besoins basiques (comme l’alimentaire et l’énergétique) voir de besoins plus profonds («Peut on rêver d’un «avenir meilleur»» alors qu’une partie de la population connaît un confort matériel substantiel et que les règles de marketing sont censées la faire se sentir comblée ?).
A cela s’ajoutent les questions écologiques comme la crise climatique qui est le corollaire de la crise énergétique et alimentaire, et, la destruction de la bio-diversité (dont on ne comprend pas encore les conséquences) ou la crise des toxiques (par la grande quantité de contaminants qui règne dans notre environnement immédiat), qui sont le corollaire de l’abondance de biens.

... mais pas de confluence de solutions
On a de plus en plus d’alertes qui viennent, de l’extérieur du monde des ONG  ou des associations, directement des milieux des analystes (scientifiques, économistes, etc.). Mais face à cette confluence de crises on n’a pas de confluence de solutions. Peut-être parce qu’on recherche des solutions à un niveau global en croyant que c’est par là que ça va arriver… Mais dans le monde revendicatif  ou associatif, voir politique, il est clair que la construction ascendante (de la base au sommet) est plus solide que celle descendante.

Déficit d’indicateurs
Les crises économiques et sociales montrent que nous avons un déficit d’indicateurs. Nous faisons des choses sans outil de navigation.
Dans le social cela fait peu de temps qu’on cherche à mesurer le bien être de l’humanité  car le PIB n’analyse pas le bonheur. Depuis la Révolution Industrielle on exploite les ressources naturelles sans aucun indicateur concernant leur caractère renouvelable ou durable. Pourtant, de nos jours, 75% des ressources en poisson sont épuisées et le climat change plus vite que prévu par les scientifiques il y a 3 ans.

Lien entre l’écologie et le social
Nous, les environnementalistes, commençons à traiter la question énergétique avec un angle social. En effet, en matière de politique énergétique il faut hiérarchiser les actions. En travaillant d’abord sur la sobriété, puis sur l’efficacité et enfin sur les renouvelables.
Quand on modère la consommation et quand on utilise des appareils plus efficaces… le climat et le portefeuille se portent mieux ! C’est un cas concret reliant la question du social et de l’écologie.

Sobriété, efficacité et renouvelables
En changeant les ampoules, j’économise 80% d’énergie ! L’idée c’est de voir comment satisfaire les besoins objectifs de ma vie («éclairer») en répondant à la question «j’ai besoin de m’éclairer» et pas «j’ai besoin de chauffer le plafond avec les ampoules à incandescence qui sont des grille-pain accrochés au plafond». Actuellement la notion d’efficacité répond uniquement à la question de l’éclairage… Cette notion est une réponse technologique à un problème avant tout comportemental. En amont, avant d’allumer la lumière, il faut se poser la question «Est-ce que j’ai besoin de m’éclairer  ?». Si oui, et bien j’allume, si non, on n’allume pas. C’est ça la sobriété.
Enfin, pour être durable, il faut toujours voir si nos actes ne sont pas nuisibles, pour nous-mêmes et pour les autres (y compris l’environnement).

Le temps naturel, économique et financier
La crise financière nous montre que les mécanismes financiers sur lesquels l’économie réelle de production a été obligée de se plaquer (sur des cycles de plus en plus rapides) ont mis l’économie en contradiction flagrante avec la productivité biologique ou naturelle qui dépend d’un temps «plus long».
Le coût du transport étant très faible cela a permis de segmenter la production économique. De nos jours 33% des camions transportent des produits alimentaires ou agro-alimentaires (des engrais aux denrées comestibles) et 15% des déchets.

Repenser le transport…
Le transport en général, c’est 27% du problème climatique au niveau européen. Au Pays Basque aussi on peut considérer qu’un tiers  du problème climatique est lié au transport.
Compte tenu du fait que le transport répond aux objectifs d’un modèle économique absurde (les crevettes danoises seront décortiquées au maroc pour être consommées en Europe…) et qu’on n’a pas d’emprise directe sur les donneurs d’ordres… il faut s’attacher aux solutions qui viennent du territoire, c'est-à-dire du Pays Basque.
En effet, sur le BAB, plein de mesures sont à la portée des citoyens et décideurs. Cela part de la prise de conscience de nos déplacements !

…cela passe par repenser l’agriculture et les déchets…
Le Pays Basque a un grand potentiel (climat et savoir faire des agriculteurs). Il doit pourtant importer des poireaux car le modèle dominant accorde des subventions aux agriculteurs à condition de produire du maïs. Le rétablissement des cercles de maraîchage autour des villes pour le XXIè siècle devrait être une priorité pour les documents d’urbanisme et de formation des agriculteurs. Cela baisserait le transport en camion.
De même pour les déchets, il faudra voir ce qui les génère. Et comment éviter de remplir nos poubelles avec des emballages inutiles. Dans le cas où ils sont indispensables, il faudra voir comment les trier pour qu’ils retournent dans la chaîne de matière secondaire.

… ainsi que l’urbanisme !
 Au Pays Basque il y a une absence totale de vision de l’urbanisme caractérisée par une conurbation cherchant à s’étendre sur du bâtiment horizontal et une notion de densité urbaine non prise en compte. Cela entraîne un mitage du territoire durant les 30 dernières années grâce au pétrole pas cher jusqu’en 2008. Et pourtant, il faut faire un usage plus parcimonieux du territoire. En effet, il faut considérer le territoire comme un producteur de bien matériel (alimentation), de Bio-Energie et aussi de Bio-Diversité, nécessaire à notre propre survie…

Bio Diversité !
Dans la Bio-Diversité on trouve les services rendus par la nature… Ainsi, aujourd’hui le climat est vivable car les océans et forêts absorbent le CO2 de l’atmosphère. Grâce à eux la température n’augmente pas plus ! C’est une assurance climat. D’autre part, la nature via la végétation, les forêts, etc. joue un rôle de buvard et de frein à l’écoulement de l’eau… Elle agit aussi comme dépolluant car même les arbres en ville stockent dans leur fonctionnement biologique des oxydes d’azote et des particules (qui sont sources d’épidémies, d’infections respiratoires). En Alsace il y a une obligation d’avoir une bande non cultivée à côté des cours d’eau qui dépollue au passage l’eau agricole avant qu’elle se rende à la rivière.
Enfin, la bio-diversité est aussi un service immatériel. En effet, la sensation de paix et le ressourcement qu’on retrouve en promenade dans les montagnes est un facteur cicatrisant qui nous comble et nous apaise. D’autre part, au Pays Basque la bio-diversité prend la forme de la présence de vautours faisant partie du ciel, du paysage et donc du patrimoine culturel.

Alternatives locales au changement climatique
Quand on sait que 50% des déplacements en voiture sont à moins de 3 km au niveau de l’hexagone… on imagine que c’est la même chose au sein du BAB.
De nombreuses mesures peuvent être prises au niveau des décideurs locaux et des citoyens…
Une offre alternative à la voiture doit donc se mettre en place. Une offre complète intervenant sur toute la chaîne pour que le choix paraisse naturel… Les villes qui agissent doivent faire une vraie politique de l’alternative au tout voiture : des réponses techniques à l’information du public… Cela inclue la mise en place d’un plan de déplacement des entreprises. Actuellement les grandes entreprises locales ont les parkings de leurs salariés qui débordent… alors qu’à une époque ils avaient leur propre service d’autobus pour le transport des salariés. Certes, l’habitat dispersé et la voiture correspondant toujours à un sas de liberté font que l’alternative doit être attractive et efficace. Le transport en commun pourrait avoir comme avantage le temps de transport plus court qui va libérer du temps aux usagers. Mais cela veut dire revoir l’urbanisme, prendre en charge la question des transports dans l’urbanisme (tant pour l’offre de transport que pour le développement de la densification urbaine). Les collectivités organisatrices (communes, départements, régions, etc.) pourraient faciliter le transfert modal voiture et rail en aidant l’aménagement d’équipements à moins d’un kilomètre de la gare… Cela rendrait le train plus intéressant que la voiture. Celle-ci, même électrique, posera toujours le problème des limites des ressources nécessaires à sa construction et son fonctionnement, et, des limites d’espace pour sa circulation et son stationnement.

Réponses organisationnelles, comportementales et technologiques
Les réponses aux besoins de l’humanité sont avant tout organisationnelles (politiques) et comportementales (psychologiques, sociologiques) et enfin technologiques ! Ces leviers nous permettent d’infléchir la marche du monde et de montrer que le monde à bâtir sera meilleur que l’actuel.


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