Stratégies politico-militaires

Publié le par Alda

par Txetx Etcheverry

 

Parenthèse ?
L'attentat de Barajas était, dans la logique de ses auteurs, un avertissement donné au gouvernement espagnol parce qu'il ne respectait pas les accords bilatéraux qui ont précédé le cessez-le-feu d'ETA. Il fut précédé par deux signaux d'alerte, l'acte d'Ohiartzun (trois Etarras tirant une salve en l'air) et le vol des armes à Nimes, qui lui était une première parenthèse d'avertissement dans le cessez-le-feu (dans les fameux accords le précédant, ETA se serait engagé à ne pas réaliser d'opérations d'approvisionnement en armes et en explosifs). Eux-mêmes viennent aprés la déclaration institutionnelle lue par Zapatero en juin 2006, qui ne semble pas conforme au texte pacté. Ils sont parallèles à la poursuite de la répression policière et judiciaire contre la mouvance de Batasuna en Hegoalde et viennent également sanctionner les changements qu'aurait apportés le PSOE dans le schéma prévu pour la mise en place de la fameuse "Table des partis politiques".
L'attitude de Zapatero jusqu'à aujourd’hui semble montrer qu'il a pour l'instant reçu le message de Barajas comme tel (comme un avertissement, une parenthèse et non comme une rupture du cessez-le-feu), ce qui n'empêchera pas son gouvernement de manier encore plus la répression dans les mois à venir (qualification de Jarrai-Segi comme organisations terroristes, probables opérations à venir contre ETA, etc.) pour montrer qu'il ne fait pas preuve de faiblesse.
La question à laquelle ces mêmes mois à venir vont sans doute apporter une réponse est-la suivante : a-t-il désormais la marge de manoeuvre suffisante (face à un PP mais également par rapport aux secteurs internes du PSOE hostiles au processus) pour continuer dans une telle attitude ? Pourra-t-il et voudra-t-il faire après Barajas ce qu'il ne semblait pas pouvoir ou vouloir faire avant ? Et donc quelle aura été la portée réelle (au delà des intentions de ses auteurs) de l'attentat de Barajas ?
Continuité...
L'attentat de Barajas et le communiqué de revendication qui l'a suivi ne posent pourtant pas que des questions, ils viennent préciser comment le processus est géré côté abertzale. Nous sommes loin du schéma d'Anoeta dans lequel ETA se contente de discuter avec les gouvernements concernés des aspects concernant le sort des prisonniers et réfugiés politiques basques ainsi que celui des autres victimes du conflit, pendant que les mouvements sociaux et politiques s'occuperaient des aspects politiques.
Dans son communiqué, ETA exprime clairement que son cessez-le-feu est conditionné à un accord politique négocié avec le gouvernement espagnol. De ce que l'on peut en savoir, il s'agirait d' une sorte de déclaration de Downing Street light accompagnée d'un cadre donné de dialogue politique. 
Bref l'enjeu central du maintien ou non du cessez-le-feu n'est pas la tenue et le respect d'un calendrier échelonné de rapprochement puis de sortie des prisonniers politiques basques, et la légalisation des organisations politiques de la gauche indépendantiste, mais la symbolique politique dans laquelle va s'inscrire cette fin de la lutte armée (je dis symbolique car je ne crois pas aux déclarations d'intentions des différents gouvernements, mais à la nature concrète des rapports de forces à tel ou tel moment et à ce qu'ils permettent réellement).
Nous continuons donc dans le même schéma politico-militaire où la direction militaire, clandestine conditionne sinon définit la stratégie du mouvement public.
...et entêtement dans l'échec ?
Ce schéma qui a causé l'échec du processus de Lizarra-Garazi pourra-t-il permettre de mener à bien celui qui est en cours aujourd'hui ?
N'aurait-il pas mieux valu, dès l'époque de Lizarra-Garazi en finir avec ce schéma et faire vraiement confiance en la capacité du mouvement public à gérer seul la suite des évènements ?
Je reste persuadé que le mouvement public aurait su engendrer un rapport de forces global, face aux 2 Etats, bien plus grand que celui qu'ont généré le schéma politico-militaire et la direction clandestine de la stratégie pendant ces sept dernières années.
Je crois que le maintien de ce schéma politico-militaire et de ce mécanisme de direction clandestine gène aujourd'hui considérablement la composition d'un front abertzale et d'une stratégie souverainiste civile adaptée aux réalités de notre époque, et retarde d'autant d'années la mise en place du rapport de forces dont nous avons besoin à ce niveau.
Et pour ce qui concerne le Pays Basque Nord, je me pose la question suivante : le retour ou l’apparition de certains slogans, concepts, propositions, discours ou actions visant à interpeller l’Etat français annonce-t-il un retour à une stratégie politico-militaire en Iparralde ?  Si tel est le cas, tout le monde a-t-il bien conscience de toutes les conséquences humaines et politiques de ce que cela suppose pour les années à venir ?

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