Département - Autonomie

Publié le par Alda

 par Txetx Etcheverry

Il est au moins un point commun entre Michel Rocard, peu soupçonnable d'aber-tzalisme (lors de la conférence "L'art de la paix" à Saint-Jean-de-Luz, il ne voyait ni l'intérêt ni la faisabilité de l'indépendance de la Kanaky) et Batasuna, peu soupçonnable de tiédeur dans le même domaine : tous deux considèrent que le département Pays Basque est une institution dépassée, avec des compétences ridiculement faibles. Tous deux en concluent donc que les abertzale aurions tout intérêt à réclamer autre chose, l'un préconisant un super-syndicat intercommunal s'arrogeant d'importants domaines d'intervention et les autres réclamant désormais un statut d'autonomie aux compétences effectivement cent fois supérieures à celles du département.
Et pourtant en Pays Basque nord, les masses ont elles intuitivement senti que la bataille à mener, celle qui pouvait vraiment changer les choses, était celle du département Pays Basque. Et je crois que les masses ont raison, qu'elles ne se sont pas trompées de calendrier, d'analyse de rapport des forces, et d'intuition sur ce qui était réellement en jeu dans cette affaire : un cadre que l'on peut arracher ou des compétences que l'on peut miroiter...
Institution faible et dépassée ?
Depuis 8 ans déja qu'il y a un mouvement social pour le département Pays Basque (le combat d'idées et d'argumentaires est lui beaucoup plus ancien), nous entendons chaque fois ce même leitmotiv :
“Les départements, mais c'est dépassé ! Et puis, vous méritez beaucoup mieux, les compétences d'un département sont quasi-nulles, à part gérer les routes et le RMI...”
Depuis 8 ans déjà nos réponses sont les mêmes :

Bien sûr, si vous acceptiez de nous donner plus, nous en serions preneurs.
Mais ce que nous refusons, c'est de ne même pas avoir le RMI sous prétexte qu'on mériterait le SMIC.
Ce que nous n'acceptons pas, c'est de continuer à faire 40 heures sous prétexte que 32 heures hebdomadaires, c'est quand même mieux que 35 heures.
Ce que nous n'acceptons pas, c'est de continuer à nous enliser dans le département des Pyrénées-Atlantiques sous prétexte qu'on mériterait mieux qu'un département Pays Basque.
Et peut-être qu'un jour les départements seront remplacés par quelque chose de beaucoup mieux. Mais croyez vous que ce jour-là, ceux qui ne seront pas des départements profiteront de ces nouveaux statuts, de ce réaménagement ?
Enfin, notre bon sens nous fait nous poser la question suivante : comment, si nous n'avons pas le rapport de force suffisant pour arracher un département Pays Basque, arracherons nous quelque chose qui est en fait un département plus une tonne de trucs en plus, avec nécessité de modifier la constitution, de créer un précedent instutionnel dans l'hexagone etc. ?
Qu'on nous explique où notre simple calcul de bon sens pèche, sinon nous aurons l'impression qu'on se moque un peu de nous en nous faisant miroiter le mieux pour ne pas avoir à nous octroyer le bien, ou encore en ne nous explicitant pas les vraies raisons de l'opposition à la revendication d'un département Pays Basque.
Qu'on nous explique enfin qu'est ce qui a justifié les crispations évidentes manifestées par l'Etat français quand la mobilisation pour un département Pays Basque battait son plein, ou à l'annonce du lancement de la pétition pour un réferendum par Batera, tous les contre-feux qu'il s'est donné la peine d'allumer, ou encore la politique d'aggression délibérée à l'encontre de Laborantza Ganbara allant jusqu'à la volonté de l'interdire, alors qu'il faut bien constater que les mouvements ou signes d'inquiétude étaient loin d'être les mêmes à l'époque de la dynamique autour du projet d'Autonomie dénommée Eraiki-tzen (dynamique de débats, d'agit-prop et même une manif) où encore suite à la proposition d'Uztaritze annonçant l'entrée dans la lutte pour l'Autonomie ?
L'important c'est d'exister
Si ni les masses, ni l'Etat ne semblent faire la même analyse que Michel Rocard et que Batasuna de l'intérêt respectif et actuel des revendications Département Pays Basque et Statut d'Autonomie, c'est -au delà de l'analyse de la situation et des rapports de forces en présence- qu'ils ont bien cerné que ce qui est en jeu dans la bataille pour le département est le cadre et non pas ses compétences.
Dans la vie, l'important c'est de naître. L'important c'est d'exister.
Un bébé ne sait pas marcher, n'arrive pas à se nourrir tout seul, il ne parle pas... Et pourtant il a l'essentiel, ce qui lui permettra de grandir, d'acquérir tout ce qui lui sera nécessaire dans ce monde, de passer toutes les étapes de sa vie : il existe, il est. Michel Rocard avec son super-syndicat intercommunal, voudrait -en toute bonne foi- nous donner un chien, parce qu'il sait déja marcher, voire courir, se nourrir tout seul, et qu'il peut même nous aider à chasser, à ramener les courses ou le journal. Batasuna fait le pari -qui va en enthousiasmer plus d'un- qu'on peut tout de suite passer à l'âge adulte, sans même avoir besoin de naître.
Continuons le combat
Mais ceux qui savent que ce qu'ils veulent avoir c'est un enfant et pas un animal de compagnie, et qui savent qu'avant d'être enfant puis adulte, il faut d'abord naître, continueront de batailler pour que cet enfant existe. Parce qu'ils ont bien compris, malgré tous les discours qu'on a pu leur asséner (“l'important c'est le contenu et pas le contenant, l'important ce sont les compétences, ce sont les politiques menées”), qu'en fait l'important, et ce qui permet d'obtenir et de mettre en pratique tout le reste, c'est que le Pays Basque nord existe. L'important c'est qu'il y ait le cadre institutionnel Iparralde.
L'important, c'est que notre cadre de débat, de conception, de prospection, de lutte, d'élection, de décision, soit le Pays Basque et non les Pyrénées-Atlantiques. L'important c'est que les pompiers, la CGT, les élections, la politique agricole soient organisés selon le cadre Pays Basque. Notre message devient dès lors tellement moins virtuel. Ce cadre quotidien, des plaques d'immatriculation à l'organisation administrative du moinde échelon, produit et renforce l'identité qu'il encadre. Iparralde est enfin devenu sujet, et il voudra en suivant être acteur. L'institution existe, peut pacter avec ses consoeurs du Pays Basque sud, peut exprimer des volontés politiques, sera le cadre d'autres scénarios d'alliances politiques et sociales que celles qui se calculaient à l'échelle des Pyrénées-Atlantiques.
C'est pourquoi nous nous battons pour le département Pays Basque, et c'est pourquoi l'Etat français ne nous l'accordera que sous la pression de notre rapport de forces devenu, à force de persévérance, d'accumulation de forces et d'alliances, d'initiaves originales et déterminées, suffisamment important pour le faire céder.
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