Travailler moins et gagner autrement

Publié le par Alda



L'énoncé "Travailler moins et gagner autrement" est-il une proposition provocatrice en ces temps de crise, d'explosion du chômage, d'aggravation de la pauvreté et des inégalités ?

C'est l'intitulé de la quinzaine de débats et de formation organisée par la Fondation Manu Robles-Arangiz à partir du 1er mai prochain.

Cette quinzaine se veut une participation au combat idéologique contre le "travailler plus pour gagner plus" cher à Nicolas Sarkozy et au Medef. Mais elle se veut également un moment d'élaboration d'arguments de réponse aux problèmes posés par la crise, ou plutôt par les crises actuelles.

2 manières de répondre au problème du chômage :

Il y a schématiquement deux grandes manières de lutter contre le chômage :
1/ On peut produire plus pour augmenter la somme globale de travail nécessaire, et ainsi fournir plus d'emplois à plus de gens.
Cette augmentation de production peut servir à beaucoup de choses, enrichir les plus riches, augmenter le pouvoir d'achat des plus pauvres, augmenter le gaspillage (par exemple en réduisant la durée de vie des objets consommés pour pouvoir en vendre plus souvent), créer des besoins qui n'étaient jusque là pas ressentis comme tels par les gens, etc.
2/ On peut partager le travail : si un temps complet moyen passe à 30 heures au lieu de 40 en produisant le même nombre de choses, on peut dès lors assurer des emplois à temps complet à beaucoup plus de gens, donc réduire massivement le chômage, sans toutefois avoir réduit la production globale, qui reste toujours la même à répartir entre les gens.
A 30 heures de travail, les gens sont donc toujours aussi riches dans leur globalité qu'à 40 heures, mais il y a moins d'exclus de la répartition de cette richesse globale, elle est partagée entre plus de monde.

2 résultantes très différentes :
Ces deux manières de répondre au problème du chômage, qui dépendent du choix politique que feront nos sociétés, sont loin d'être neutres dans leurs conséquences :
1/ La fuite en avant :
La première est une fuite en avant vers la catastrophe : on sait aujourd'hui que plusieurs des grands équilibres vitaux de notre planète sont menacés et nous parlons là de perspectives à court terme court terme, soit entre 20 et 100 ans selon les problèmes dont il est question.
Nous savons que produire plus revient globalement à consommer plus d'énergie, de matières premières alors que les stocks non renouvelables s'épuisent, et à produire plus de déchets, par exemple de gaz à effets de serre responsables du réchauffement de la planète. Les voitures pourront demain polluer moins, consommer moins de pétrole en circulant mais le vrai problème est qu'un niveau moyen d'une voiture pour deux habitants comme c'est le cas aujourd'hui dans l'Etat français par exemple est écologiquement insupportable pour notre planète. Qui empêchera la Chine qui a une trentaine de millions de voitures aujourd'hui de tendre vers cet exemple qui signifierait dès lors pour elle passer à 600 ou 700 millions d'autos ?
Cette première logique n'a pas de limites : en effet, la productivité augmente quasiment sans cesse, c'est à dire que chaque décennie, il faut moins de quantité de travail pour réaliser la même quantité de produits. Et donc pour continuer à limiter le chômage, il faut augmenter toujours plus le niveau de la production.
2/ Changer de logique globale :
La deuxième manière de combattre le chômage, à savoir le partage du travail, donc la réduction très importante de son temps hebdomadaire et annuel, permet elle de casser cette course au toujours plus de production, bref cette religion criminelle de la Croissance sans fin. 
Si elle est accompagnée de vrais choix de société sur l'utilisation du temps libre pour redevenir acteur de sa vie et pas consommateur d'un système (capitaliste) qui répond à ses propres besoins (la course au profit et à la croissance) et non aux besoins de l'humanité, elle peut s'avérer profondément émancipatrice et écologiquement salvatrice.
Reste le problème de toutes ces parties de la société, de l'humanité qui ont tellement de mal à joindre les deux bouts, ou qui sont tellement plongées dans la misère, qu'elles exigent tout naturellement de "Gagner plus", voir de "Gagner" quelque chose, tout simplement.

Là encore, il y a deux manières de gagner plus :
1/ en s'inscrivant individuellement dans cette compétition sauvage (entreprises contre entreprises, pays contre pays, individus contre individus....) où ceux qui s'en sortiront le mieux pourront parfois gagner effectivement plus, mais où l'ensemble est tiré vers le bas, et court à la catastrophe écologique ;
2/ en faisant collectivement le choix de gagner autrement, c'est-à-dire de répartir plus, de diminuer drastiquement les inégalités sociales, de préferer le durable au jetable, le local au transportable, le lien social aux biens matériels, le collectif à l'individuel (donc par exemple limiter au strict minimum la voiture individuelle, dévoreuse de travail, de minerais, d'énergie et d'espace donc cent fois plus coûteuse à la société dans sa globalité que les transports en commun, même gratuits et en beaucoup plus grand nombre ou prioriser l'habitat collectif sur la maison individuelle). Bref, partager le travail et les revenus, créer plus de liens et moins de biens, retrouver le sens du collectif et de la solidarité...
La première des logiques a été la logique dominante jusqu'à présent, on voit où elle nous a mené et l'étendue de son échec. Il est grand temps de commencer à formuler concrètement la seconde, et de la populariser auprès du plus grand nombre.
C'est ce à quoi nous sommes invité(e)s pendant cette quinzaine du "Travailler moins et gagner autrement".
Txetx
txetx@wanadoo.fr


Programme de la quinzaine "Travailler moins et gagner autrement !"
*Vendredi 1er Mai au bar Sankara à Bayonne : après la manif, vernissage d'une expo sur le temps de travail, repas, concert.
*Jeudi 7 et vendredi 8 mai :
4 Ateliers participatifs à Bota Gaztetxea de Donaixti et dans les locaux de la Fondation Manu Robles-Arangiz à Bayonne
*Jeudi 14 mai à 20h30 : conférence avec Hervé Kempf à l'Amphi du Château Neuf de l'IUT à Bayonne.
*Vendredi 15 mai à 20h30 : conférence avec Alain Lipietz dans les locaux de Laborantza Ganbara à Ainhice-Mongelos.



Autre article publié dans la presse fin avril 2009...

Travailler plus pour gagner plus» : ce slogan reflète une grande hypocrisie chez nos nouveaux gouvernants car il est en contradiction complète avec toutes leurs déclarations de bonnes intentions en faveur de l'environnement et de l'écologie.

En effet, «Travailler plus pour gagner plus» veut très concrètement dire la chose suivante : «produire plus» de marchandises, de constructions, d'infrastructures, d'énergie, de transports etc. «pour consommer plus»...de marchandises, de constructions, d'infrastructures, d'énergie, de transports etc. Ce qui signifie évidemment gaspiller encore plus d'énergies fossiles, de matières premières, pourrir encore plus tous les niveaux (sols, airs, eau...) de la Terre, produire encore plus de gaz à effet de serre et donc accélérer encore plus le réchauffement de la planète. Si les conséquences sont déjà largement mesurables pour nous, elles seront terribles pour les générations qui nous suivent.

Ceux qui prônent encore de telles politiques s'entêtent dans l'aveuglement terrible de la fin du XXe siècle qui a conduit à ignorer les avertissements des scientifiques et du Club de Rome (dès 1 972 !) sur les dégâts sérieux qu'on commençait à déceler sur notre planète. La course à la croissance, la religion du productivisme a continué de plus belle comme si de rien n'était.

Le XXIe siècle, avec l'accession au même modèle de croissance économique des pays émergents (Chine, Inde, Brésil...) dont les populations se comptent en milliards pose le problème de fond non plus à moyen terme mais à court terme. Comme nous n'avons ni six planètes, ni même trois, comment allons-nous régler le problème de ce mode de production et de consommation qui n'était pas extensible à toute l'humanité mais qu'aujourd'hui tout le monde veut et commence à pouvoir imiter ?

Il en va réellement de l'avenir de la planète et de l'espèce humaine et c'est aujourd'hui que ça se passe. Travailler moins et gagner autrement :

Une vision lucide, cohérente, porteuse d'avenir prendrait le contre-pied de Sarkozy et prônerait une logique radicalement différente.

Travailler moins et gagner - donc consommer - autrement serait en effet le seul leitmotiv cohérent avec les objectifs affichés de réduction des gaz à effets de serre, de protection de la planète et de justice et d'équité mondiale.

Il faut diminuer le gâteau global en le répartissant autrement, et en veillant également à changer une partie de la recette et des ingrédients.

Gagner autrement, c'est :

1. Réduire massivement le temps de travail légal, baisse qui en soi-même constitue une augmentation du pouvoir d'achat disponible, effectif de chacun. Moins d'argent dépensé en crèches, garderie, du temps pour mieux faire ses courses et ses divers achats, plus de temps pour réparer au lieu de jeter, faire plutôt que faire faire, cuisiner plutôt qu'acheter des plats cuisinés etc. et bien sûr diminution drastique du chômage et de l'exclusion sociale, de la pauvreté qu'il génère.

2. Distribuer aux plus démunis du pouvoir d'achat écologiquement et socialement utile : par exemple, payer - en guise de revenus supplémentaires - en forfaits de transports collectifs (bus, trains, métro) ce qui diminuerait les dépenses du foyer (et donc augmenterait son pouvoir d'achat effectif) et provoquerait une baisse du transport global (par la diminution du transport individuel) et la baisse des émissions de gaz à effet de serre et du gaspillage des énergies fossiles (1). Ou encore subventionner à 100 % l'isolation thermique des logements des moins riches.

Diminuer le revenu des plus riches pour faire baisser la part du gâteau global ainsi que pour en affecter une partie aux besoins sociaux et écologiques les plus urgents.

Le nombre de milliardaires (en dollars) dans le monde est passé de 140 en 1985 à 793 en 2005. Selon le PNUD (2), le revenu global des 500 personnes les plus riches du monde est supérieur à celui des 416 millions les plus pauvres. Si l'on prélevait ne serait-ce que 10 % du revenu des 10 % les plus riches de la population mondiale, on obtiendrait 1 500 milliards de dollars.

Or on sait que, pour atteindre les «objectifs du millénaire» des Nations Unies (réduction de moitié de la misère, améliorations substantielles de la situation sanitaire et des niveaux d'éducation dans les pays en développement), il faudrait mobiliser, selon les estimations, entre 60 et 100 milliards de dollars supplémentaires par an d'ici 2 015. On sait aussi que, selon le rapport Stern, il faudrait dépenser environ 400 milliards de dollars par an, pour éviter que le réchauffement climatique - qui de toute façon va se produire dans les décennies à venir - ne prenne des proportions dramatiques.

La réduction et la redistribution du gâteau global va devoir commencer par le sommet.



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