Question sociale et changement climatique (1/2 + 2/2)

Publié le par Alda







Asbjørn Wahl/Coordinateur National en Norvège de la Campagne pour l’Etat-providence


Invité de la formation organisée par la Fondation Manu-Robles Arangiz en collaboration avec l’UNED, en ce début de mois de juillet Asbjørn Wahl, conseillé du Syndicat Norvégien des Employés municipaux, nous fait part de son point de vue surles alliances et la mobilisation socialenécessaires pour résoudre le problème du changement climatique et réussir le Sommet de Copenhague en décembre 2009.

Presque tous les problèmes de société sont principalement d'ordre social et politique, même si au premier coup d'œil ces questions semblent purement techniques ou scientifiques. Ceci est une leçon difficilement assimilée par le mouvement social et syndical. A titre d'exemple, les développements techniques des lieux de travail peuvent servir différents intérêts : ceux des actionnaires, des clients, des travailleurs,… En bout de ligne, c'est le réel rapport de forces entre ces groupes qui détermine la solution et ses bénéficiaires.
La menace du changement climatique ne fait pas exception. La solution de ce problème demande, entre autres choses, une grande quantité de nouvelles technologies. Mais le problème n'est pas juste une question technologique, c'est une véritable question  sociale et politique. Il est donc primordial que le mouvement syndical développe sa propre politique face au changement climatique. Nous devons passer d'une position "réactive" à une position "pro-active". En fait, il s'agit là de voir quel type de société nous souhaitons créer.

Faire face aux problèmes

Même si la situation change beaucoup ces dernières années, jusqu’à maintenant, la plupart des mouvements syndicaux ont hésité à s'engager quand ils étaient confrontés au problème du changement climatique. Il y a eu une tendance qui a consisté à nier la gravité du problème. Cela a entraîné une certaine opposition contre la prise de mesures du fait de la crainte (compréhensible) de la perte d'emplois.  
Notre premier défi est donc de faire face à la réalité. Nous devons nous rendre compte des preuves scientifiques accablantes qui montrent que le changement climatique est en cours et que les activités humaines en sont des facteurs cruciaux, et que cela peut être catastrophique. Nous devons être conscients que la principale cause du problème réside dans la consommation de combustibles fossiles. Cela signifie que le facteur clé du succès de toute mesure est lié au fait de savoir si oui ou non il contribue à réduire la consommation de combustible fossile. La façon dont nous vivons et travaillons va changer radicalement  dans les prochaines années que ce soit en conséquence de notre réaction… ou de notre inaction. Ne pas agir, ou retarder l'action, n'est pas une solution, car cela ne fera qu'aggraver les conséquences.  

Echec du marché et besoin de contrôle politique

Le Rapport Stern, qui a été remis au Gouvernement anglais conclut que changement climatique est "le plus grand et le plus large échec du marché jamais vu jusqu'à présent". La crise financière actuelle en cours représente un nouvel énorme échec historique du marché. Pour résoudre ces crises, nous ne pouvons pas faire confiance à ces mêmes mécanismes du marché qui ont échoué.
Les politiques liées au changement climatique et la crise financière auront besoin d'un contrôle démocratique croissant de l'économie. C'est aussi exactement ce dont nous avons besoin, pour plusieurs raisons, dans le mouvement syndical. Cela veut dire que la crise climatique ne représente pas simplement une menace globale, mais aussi de nouvelles possibilités pour le mouvement syndical. La crise financière actuelle de même que la crise de manque de légitimité du néo-libéralisme, ont réellement ouvert un ensemble d'opportunités ne demandant qu'à être saisies.
Les syndicats doivent donc mettre la priorité sur les politiques de changement climatique, mais nous devons intégrer ces politiques dans un contexte politique plus large. Nous devons par conséquent dépasser les contradictions entre la particularité liée à l'environnement immédiat des travail-leurs, les intérêts sectoriels et les intérêts plus vastes des travailleurs comme un tout. En d'autres termes, nous ne sommes pas uniquement des travailleurs du domaine du transport qui faisons face à un changement dans l'organisation du travail ; nous sommes des êtres humains devant faire face à un évènement potentiellement catastrophique.

(A suivre avec la partie 2/2 : “Redistribution des richesses”, “De la défensive à l’offensive”, “Alliances et mobilisations sociales”)



Redistribution des richesses    
Une chose est claire : il y aura des changements considérables. La question qui se pose est donc, comment allons-nous faire face à ces défis ? Actuellement, les travailleurs et les syndicats sont en mode défensif. Nous sommes sous pression. Il y a une tendance à individualiser la responsabilité de l'émission de gaz à effets de serre. Chacun de nous doit payer pour les émissions causées, même si ces émissions dans la plupart des cas sont le résultat de la façon dont la société est organisée et de la pression exercée par les forces du marché.
Bien sûr, les émissions doivent être réduites, et même de façon radicale. Mais cela ne pourra pas être laissé sur le compte de la responsabilité de chaque individu. Ni même obtenu en mettant en place des restrictions économiques qui dans la pratique exemptent les riches et bien portants de tout changement. Et, dans de telles conditions, pourquoi les gens ordinaires devraient assumer le poids des mesures nécessaires pour faire face au changement climatique. Les gens n'accepteront jamais que les riches puissent continuer à payer pour maintenir leur mode de vie, que les intérêts des entreprises soient protégés alors que les coûts seront assumés par les travailleurs, consommateurs et contribuables. Ce dont on a besoin n'est autre que des solutions politiques et collectives où la politique contre les changements climatiques va de paire avec une redistribution radicale des richesses. Tout autre solution en deçà de celle-ci ne permettra pas de trouver une issue à la crise climatique.

De la défensive à l'offensive
Les organisations environnementales nous disent que nous devons faire plus de sacrifices pour sauver le climat et notre planète. Ceci est doublement incorrect et faux tant au niveau stratégique que tactique. Les politiques liées au changement climatique ne sont pas uniquement des questions de sacrifice mais il s'agit là de créer une meilleure société pour tous. Roger Toussaint le Président du Local 100 à New York du Syndicat des transports a vu juste quand lors de la Conférence sur le Changement Climatique il a déclaré : "Devenir vert n'est pas simplement une affaire de création d'emploi, c'est aussi une amélioration de la qualité de vie pour les travailleurs".
De sérieuses politiques contre le changement climatique nous donneront l'opportunité de vivre un changement social progressiste. Ce changement impliquera automatiquement une économie gérée de façon plus démocratique. Cela créera de millions de d'emplois verts, particulièrement dans le transport public et dans la production d'énergie renouvelables. Cela réduira la concurrence de marché et la pression au travail. Cela rendra nécessaire la réduction du temps de travail afin de réduire la sur-exploitation des ressources et de permettre une meilleure répartition du travail à travers le monde. Si nous faisons notre travail convenablement, cela on l'espère, réduira le consumérisme qui dans notre société sert à compenser d'autres attentes sociales sans réponses et caractérisées par l'aliénation et l'absence de pouvoir. En résumé, le changement social est une pré-condition et une solution en même temps pour stopper le changement climatique.
De plus, la réduction des émissions des gaz à effets de serre va aussi réduire la pollution dans les lieux de travail et les communautés. Un énorme transfert de technologie sera nécessaire, et cela gratuitement, à la fois pour réduire leurs émissions de gaz et aussi pour sortir deux milliards d'êtres humains de la pauvreté. Mais le fait le plus important est que les politiques contre le changement climatique vont assurer la survie des êtres humains et celle de la planète.

Alliances et mobilisation sociale

Les sommets globaux n'ont pas engendré l'égalité sociale, le travail pour tous, les conditions de travail décents, l'éradication de la pauvreté, l'égalité des genres. Il ne semble pas non plus qu'ils vont résoudre le problème du changement climatique. C'est pourquoi nous avons besoin d'une mobilisation sociale et politique pour une solution alternative reposant sur la solidarité, l'égalité et les besoins de la population.
Le mouvement syndical devra bâtir des alliances stratégiques avec le mouvement environnemental, et d'autres mouvements. Afin d'y arriver, nous avons besoin de compenser d'importantes faiblesses. D'abord, nous devons nous assurer que les mouvements environnementalistes comprennent le rôle de la force sociale (ou de la lutte des classes). D'autre part, nous devons nous-mêmes, au sein de nos organisations syndicales croître la compréhension des problèmes environnementaux et de la crise climatique. Cela peut seulement arriver si les deux mouvements commencent à coopérer, à échanger des points de vues et des expériences ainsi qu'à développer un environnement de discussion amical et constructif.

Changer la société... et non le climat!
Notre perspective à long terme doit donc être de bâtir les alliances sociales nécessaires pour le changer la société et non le climat. Cela est ambitieux, mais nécessaire et possible !
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