Il faut nourrir nos fêtes

Publié le par Alda










par Patxi Perez, depuis plus de 15 ans guide et fait danser pas après pas des salles ou des places entières



“La danse basque a à la fois un rôle
de mémoire sociale et de dynamisme créateur”


“Jamais je n’aurai cru que dans le  “Lapurtar Motxak” il y avait  une musique venue d’ailleurs”...
C’est avec les découvertes que Patxi Perez a pu faire depuis  ses débuts dans le monde de la danse  qu’il partage avec les lecteurs d’Alda! sa façon de vivre la culture  et la danse basques.

Quel a été le rôle du folklore basque (compris comme science des traditions, des usages et de l'art populaires du Pays Basque) ?
“Ma jeunesse a été marquée par l'explosion des groupes folkloriques, il y a plus de trente ans. Personne dans ma famille ne jouait d'un instrument ou ne dansait. Je ne suis pas un danseur "traditionnel" car dès l'âge de 6 ans c'est à la MJC du Polo Beyris à Bayonne que j'ai pris des cours de danse et de Txistu. En fait, ces groupes folkloriques qu'on retrouve partout au Pays Basque ont permis de maintenir les différents types de danses (de chaque province).
A titre d'exemple, quand on voit un Mutxiko dansé au Gaztetxe de Santurtzi, tout le monde pense que le Mutxiko est de là… Or il a été intégré grâce au travail de formation des groupes folkloriques qui dans tout le Pays Basque enseignent les danses des 7 provinces…”

Partant des bases du folklores de nouvel-les voies ont été ouvertes ?
“J'avais 16-17 ans quand Lapurtarrak est né avec Betti Bettelu, Thierry Truffaut, Pantxika Zubiria, Claude Iruretagoiena, etc. C'était le renouveau du Labourd qui avait comme but de recréer quelque chose qui avait disparu. Refaire vivre les Kaxkarotak, découvrir notre culture, faire la tournée des maisons, faire un travail de recherche sur les costumes…
Bref, nous arrêtions d'être "biscayens, navarrais, etc." pour être labourdins ! Tout ce travail de recherche et de création était effectué en groupe avec des sorties et des fêtes en commun qui permettaient en même temps de se faire plaisir.
Dans les années 90, j'ai découvert le milieu folk européen. J'ai été amené à danser sur une création avec d'autres danseurs traditionnels européens. Et l'un d'eux avait sorti une définition de la danse venant de Maurice Béjart "La danse : un  minimum d'anecdotes, un minimum de souvenirs, mais maximum de sensations" … J'ai vu que mon choix  était différent : "Un maximum de souvenirs et d'anecdotes... et des sensations !"… et le tout par l'échange dans la rue et par l'intégration, tout comme dans la langue, d'apports extérieurs.”

La danse est loin d'être un patrimoine figé ?
“Le milieu folk européen partait toujours de l'analyse des fêtes "selon les vieux". Par chance au Pays Basque la transmission existait et les danses traditionnelles étaient encore utilisées. Les différents échanges avec le milieu folk européen m'ont montré qu'il fallait nourrir notre bal. Dans les années 90, quand j'ai commencé à vivre des cours de danses pour adultes que j'organisais, j'ai vite vu que les Zazpi Jauziak et Mutxikoak s'enseignaient certes mais qu'avec les jeunes la musique de Sorotan Bele ou Tapia eta Leturia était une façon idéale de terminer les cours sur une nouvelle danse qui n'était autre qu'une adaptation locale de "la Chapelloise" (danse traditionnelle suédoise dont le prototype est connu dans toute l'Europe). Comme j’enseignais la danse “standard” ou le “batua”... le rôle des vieux à imiter ou suivre était très important pour récupérér l’”accent de danse” qui fait qu’on différencie tout de suite un style souletin (par exemple) de toute autre province...
Avec Tapia eta Leturia on passait dans les villages une semaine avant les fêtes pour former les jeunes aux danses… puis on a mis en place une pédagogie qui en 4 ou 5 minutes permettait de faire participer tout le monde… et de nourrir la fête!
Enfin, c'est le Dantza Piko (une démarche que je mène avec mes amis musiciens autour de la danse… ) qui fait que c'est au tour de la danse d'être vécue et partagée par tous durant nos animations !” 

Dans le domaine de la danse, la tradition aussi est marquée par les emprunts...
“Conserver et acquérir sont les caractéristiques de la tradition liée à la danse. Ainsi, on aura du mal à croire que le Fandango vient d'une danse andalouse présente sur toute la péninsule ibérique et qui est entrée en Iparralde il y a moins de deux siècles… De la même façon on imagine mal que la bourrée à 3 temps qu'on retrouve en Auvergne a été “importée” par les scieurs auvergnats travaillant dans la péninsule ibérique et en biscaye durant les hivers à une certaine époque… Et pourtant ce sont des faits historiques.” 

Quelles sont les évolutions à venir ?
“Les travaux du chercheur Jean Michel GUILCHER nous ont appris que jusqu’à la Première Guerre Mondiale la société rurale (le monde paysan) vivait comme en autarcie, avec plusieurs générations qui cohabitaient dans la même maison et les danses traditionnelles qui se transmettaient en famille aussi. L’arrivée du vélo et des bistrots ont fait que de nouvelles activités se sont développées à l’extérieur et les transmissions au sein de la famille ont moins été assurées : on est passé d’une civilisation paysanne à une société de loisir revivaliste...
Actuellement j’essaie d’initier les gens aux danses basques pour qu’elles leur permettent de vivre en commun et avec plaisir une expérience enrichissante. A partir de ces bases, les gens peuvent se perfectionner et/ou aller dans la création !”

Publié dans Orotarik

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article