“Résister grâce au droit du travail”

Publié le par Alda




par Gérard Filoche, inspecteur du travail, ancien meneur du mouvement de Mai 68


Nicolas Sarkozy développe une propagande individualiste contre toutes les solidarités
et les protections collectives. Il avive tous les antagonismes, contre les immigrés, les chômeurs, les “assistés”.

“Retraite, Sécu, 35 heures, Droit du Travail, etc. Comment et pourquoi on nous ment!” C’est le titre de la session de formation qu’animera Gérard Filoche, inspecteur du travail et ancien meneur du mouvement de Mai 68,  le samedi 3 mai à partir de 10h00 au local de la Fondation Manu Robles-Arangiz.  
Voici les réponses appportées par Gérard Filoche aux questions d’Alda!  sur quelques thèmes qui seront 
approfondis lors de cette formation.

Quels sont les thèmes sociaux sur lesquels le gouvernement agira "sans complexe" d'ici les prochaines échéances électorales?
Nicolas Sarkozy a annoncé qu’il allait opérer une “rupture” avec ce que la France était depuis 60 ans, c’est à dire depuis la mise en oeuvre du programme du conseil national de la résistance (CNR). Il n’y a donc aucun domaine réservé, il s’attaque à tout : aux salaires, au droit du travail, au droit syndical, à la sécurité sociale, aux retraites, à l’école, à l’hôpital, aux services publics. Il veut un état pénal à l’américaine et non pas un état social. Il veut libérer le droit des affaires, les profits maxima, abaisser les impôts des riches, il agit pour les 2% de la population les plus privilégiés, les autres qui ont voté pour lui ont été abusés !

Pour chacun de ces thèmes qu'est-ce qui est réellement en jeu ?
Redistribuer les richesses à l’envers : prendre aux pauvres, abonder les riches de Neuilly, du CAC 40 et du MEDEF. Donc il casse le droit du travail, seul instrument qu’ont encore les salariés du privé pour résister. Il développe une propagande individualiste contre toutes les solidarités, contre les protections collectives et avive tous les antagonismes, à commencer contre les immigrés, les chômeurs, les “assistés”. C’est le contraire de toutes nos traditions républicaines, de ce qui reste de contrat social, une forme d’intégrisme néo-libéral en droite ligne des conservateurs à la Bush et Mc Caine. D’où le fait qu’il menace aussi la laïcité, et mène la guerre impérialiste en Afghanistan : ce président est un corps menaçant par rapport à la République sociale, démocratique, laïque que nous voulons, il veut en détruire racines et traditions, même s’il fait semblant d’aller au plateau des Glières ou de parler de Guy Mocquet. Quand il veut “liquider mai 68” tout est dit : il faut être un bien petit homme pour liquider une si grande page de notre histoire. Ce qui est en jeu, c’est la lutte séculaire entre classes sociales, en l’occasion, entre actionnariat et salariat : est-ce que la liberté, l’égalité, la fraternité vont triompher contre ce tenant des nantis, du profit, de la grande finance ?

Comment les citoyens peuvent-ils se préparer à résister contre ces mesures: maîtriser les sujets et enjeux, monter des contre-argumentaires ?
Pour ce qui est des argumentaires, il faut faire confiance au salariat français qui est un des plus éduqué du monde contre le libéralisme : il a su résister à 66% contre le bourrage de crâne sur les retraites, voter à 50% en 2004 contre la droite, voter à 55% contre le TCE le 29 mai 2005 (en dépit du bourrage de crâne de 90% des médias), il a encore voté à 51% a gauche les 9 et 16 mars aux municipales, un vrai raz-de-marée à gauche ! La seule anomalie est l’élection de ce Bling-bling le 6 mai 2007 : c’est dû à une candidate, son adversaire, particulièrement décevante par le contenu de son discours insuffisamment social. Mais la volonté populaire va forcément se frayer son chemin, retrouver les moyens de le bloquer, d’empêcher ses mauvais plans, sans doute, d’abord par une grande explosion sociale de grèves. Et la gauche arrivera bien à trouver des directions à la hauteur de ses espérances.

D'une façon plus générale, quels sont les éléments clés (informations, paramètres économiques incontestables, etc.) qui permettent de mieux cerner les politiques anti-sociales cachées derrière la communication très sociale et médiatisée de Nicolas Sarkozy et de son gouvernement?
Là, c’est trop long à vous répondre : par des livres détaillés, et dans la revue mensuelle “Démocratie & socialisme” (16° année, 24 p., 3€, abo = 10 n° = 30€) j’en fais l’analyse avec mes amis de la gauche socialiste (Jean-Jacques Chavigné, Pierre Ruscassie...).
Il faut vous reporter, vous et vos lecteurs, aux ouvrages que nous publions : “La santé, la vie, l’amour sont précaires, pourquoi le travail ne le serait-il pas ?”, “Carnets d’un inspecteur du travail”, “Retraites : réponse au MEDEF”, “Les caisses noires du patronat”, “Sos Sécu”, “Mai 68 histoire sans fin”.
Aussi à  www.democratie-socialisme.org notre site qui traite de tout cela au jour le jour.



Loi de modernisation du contrat de travail = loi de régression sociale
Flexi-sécurité = Foutaise.

(Extraits d’un texte de Gérard Filoche que l’on peut trouver en version complète sur le site : www.democratie-socialisme.org)

Accord prétendument majoritaire de 4 syndicats sur 5 le 11 janvier 2007 = mensonge

Nous voilà, dans tous les médias, dans le langage officiel, en présence d'un mot fabriqué, quasi grotesque car aussi paradoxal qu'incompréhensible : "flexisécurité".
Allez dire aux millions de salariés qu'ils vont être "flexisécurisés" par une "loi de modernisation du contrat de travail", vous éveillerez la certitude légitime qu'on va les rouler dans la farine. Alors autant utiliser des mots simples, que les communicants ne pourront renier : “flexicurité  = foutaise” !
Tout ce qui est dit sur la loi que François Fillon et Xavier Bertrand font voter au Parlement repose sur des manipulations, de la désinformation volontaire, pour masquer une offensive scélérate  anti droit du travail !
Il ne s'agit pas d'une loi de modernisation mais de régression sociale ;
Première foutaise : qu'on ne nous dise pas qu'elle a été approuvée par 4 syndicats sur 5. Car là commence la foutaise : il existe 8 syndicats d'importance et non pas 5. Et les 4 syndicats signataires sont-ils majoritaires ? Contrairement à ce que dit toute la vulgate médiatique, ce n'est pas certain. 
En France, à cause d'une loi Fillon du 4 mai 2004, on prétend qu'un accord est "majoritaire" quand il obtient la signature d'une majorité de syndicats même si ces syndicats représentent une minorité de salariés par rapport à ceux qui ne signent pas l'accord. En fait c'est un vote "par ordre" et non pas  "par  tête" comme avant la Révolution française. C'est comme au temps où le clergé et la noblesse l'emportaient par deux voix contre une, contre le tiers-état. (…). Dans la métallurgie, par exemple,  FO, CFTC et CGC signent les accords  avec l'UIMM, tandis que CGT et CFDT les refusent : ces accords sont réputés "majoritaires" alors que FO, CGC, CFTC représentent moins de 20 % des voix aux élections professionnelles de la branche et CFDT et CGT qui représentent 80 % sont minoritaires. (…).
L'autre "foutaise" autour de cet accord et de cette loi de "modernisation du contrat de travail",  c'est de nous vendre une pseudo idéologie très curieusement nommée "flexisécurité" : certains manieurs d'idées creuses croient avoir trouvé au Danemark un "modèle" pour cela.
C'est totalement faux, le Danemark n'a rien, mais absolument rien à voir avec les récits qui en sont faits, et aucune transposition avec la France, contrairement aux clichés qu'on entend ici et là, n'est possible. (…).
(Suivent les éléments clés appuyant cette non transposabilité : différence au niveau de la population active, une économie danoise qui est de PME, des modalités de comptabilisation du nombre de chômeurs différents, etc.).  (…).
C'est ce qui explique que si les entreprises ont la liberté de licencier (quasiment sans préavis et sans indemnités), les salariés qui ont perdu leur emploi peuvent bénéficier pendant quatre ans d'une allocation (plafonnée à 22 900 euros) égale à 90 % de leur salaire. Pour cela, ils doivent répondre à des obligations de recherche d'emploi, sinon l'allocation est réduite ou supprimée. Si Nicolas Sarkozy entend transposer cette dernière clause en envisageant "deux refus d'emploi maximum" à capacité professionnelle égale, la différence réside toutefois dans les 21 000 agents chargés de former et accompagner les chômeurs au Danemark, soit un pour neuf chômeurs. Pour atteindre le même rapport en France, il faudrait 250 000 agents alors que l'ANPE n'en a que 28 000. Ce système coûte 4,49 % de son PIB au Danemark qui dépense 2,7 fois plus que la France pour chaque chômeur. À effort comparable, cela représenterait 7,84 % du PIB français, soit trois fois plus qu'aujourd'hui…(…).

Publié dans Orotarik

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