Département Pays Basque - Statut d'Autonomie (suite)

Publié le par Alda

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par Txetx Etcheverry

Les manifs se suivent et ne se ressemblent pas :
La manifestation réclamant un statut d'autonomie pour les 3 provinces d'Iparralde a donc rassemblé 850 personnes ce samedi 15 décembre dans les rues de Bayonne.
Tous les observateurs de la vie politique auront remarqué la grande différence entre les semaines précédant les manifestations pro-département Pays Basque de 1999 ou celles de Batera en 2003 ou encore la création de Laborantza Ganbara en 2005, et celles précédant ce 15 décembre 2007.
Dans les jours et les semaines avant les grands rassemblements pour le département Pays Basque, ou pour les 4 revendications de la plateforme Batera, comme dans ceux précédant la naissance de Laborantza Ganbara, les signes de crispation et d'agitation se multipliaient dans le camp des pouvoirs publics, au sein des fédérations départementales des partis hexagonaux :
* conférence de presse du PS pour appeler ses membres à ne pas se rendre à la manifestation d'AB le 30 janvier 1999,
* démissions au sein du RPR,
* réunion en grande pompe à la sous-préfecture pour annoncer une convention spécifique très avantageuse pour le Pays Basque,
* attentat suspect contre l'émetteur de la Rhune,
* polémiques rageuses au sein du PS local,
* création d'une association d'anti-département Pays Basque (le club Lissagaray),
* débats dans certains syndicats,
* lettres de menaces du Préfet aux maires, etc.
Dans les jours et semaines précédant la manifestation du 15 décembre pour l'autonomie : rien, calme plat au sein des pouvoirs publics et des partis hexagonaux.
Dans un cas ou dans l'autre, derrière tel ou tel type de revendication, l'effet est diamétralement opposé : les contradictions naissent ou non dans le camp adverse, les tensions et gesticulations signalant ses inquiétudes apparaissent ou sont totalement absentes.
On voit bien au delà des apparences trompeuses de tel concept paraissant plus radical quelle revendication inquiète le plus, fait le plus mal à l'Etat français.

Succès ? Echec ?

La manifestation du 15 décembre se situait loin du front réel, celui qui fait bouger les lignes et destabilise l'adversaire, celui de l'accumulation des forces auprès d'un objectif tactique, compréhensible et appropriable par les masses, permettant au plus grand nombre de se retrouver autour de l'urgence démocratique du moment : à savoir l'existence institutionnelle du Pays Basque nord, par le biais d'une scission du département des Pyrénées-Atalantiques.
La manifestation du 15 décembre aurait pu réclamer l'indépendance, ou la réunification du Pays Basque (le Zazpiak Bat), ou un statut d'autonomie pour les 7 provinces basques doté d'un même statut officiel de l'euskara, et elle aurait réuni autant de monde (voir plus si l'objectif avait été défini entre toutes les composantes abertzale), tout en ayant la même absence d'effets sur l'Etat qui ne sent pas encore menacé sur un tel terrain.
Tout cela ne veut pas dire que la manifestation du 15 décembre est un échec.
Réunir 850 personnes derrière une revendication d'ordre stratégique (et non tactique comme le département pays basque) est loin d'être négligeable.
Sauf que cela ne sert pas à grand chose de plus qu'à construire le parti qui est au centre de la stratégie en question, en l'occurence Batasuna, et à légitimer la stratégie globale qu'il a choisi d'impulser en Iparralde.

Quel horizon stratégique pour la gauche abertzale d'Iparralde ?

Entendons-nous bien, je n'ai rien contre le fait que les militant(e)s de Batasuna adoptent comme horizon stratégique un statut d'autonomie pour Iparralde. Moi aussi je suis pour un statut d'autonomie, tout comme je suis pour l'indépendance et demain si on me les donne, je suis bien évidemment preneur. Après tout le PNV lui aussi non seulement est pour un staut d'autonomie pour trois provinces, mais en plus en gère un depuis près de 30 ans!
Ce qui me gène le plus dans tout ça est que ces militant(e)s croient ainsi adopter quelque chose de plus radical -autonomie serait plus radical que département (cette absence d'effet destabilisateur sur l'Etat par cette manif Autonomia prouve pourtant bien que non)- alors qu'on ne peut en aucun cas comparer un horizon stratégique à un horizon tactique(1).
En fait, sans s'en rendre compte, ces militant(e)s sont en train d'embrasser un horizon stratégique bien moins radical que celui de beaucoup d'abertzale qui travaillent sur le terrain du département Pays Basque.
Je fais partie de ceux-là, et mon horizon stratégique est le Zazpiak Bat. Si l'on me propose de m'enfermer pour les 30-40 années à venir dans un bras de fer avec l'Etat français pour demander un statut d'autonomie pour Iparralde, je réponds non. Je propose à la place, et tant qu'à faire des manifestations de niveau stratégique (s'adressant aux militant(e)s et aux convaincu(e)s), de nous mobiliser pour un Statut d'Autonomie des 7 provinces, doté d'un seul et même statut officiel pour l'euskara à revendiquer auprès de l'Europe toute entière. Je propose de prendre des initiatives concrètes, telles qu'Udalbiltza à l'époque de Lizarra-Garazi, nous permettant d'avancer pas à pas vers cette perspective stratégique.
Dans la même logique, le travail de fourmi de Batera récoltant ses 46 000 signatures est une initiative concrète et et en cours de réalisation qui permet d'avancer pas à pas vers la perspective stratégique du droit à l'autodétermination du peuple basque. Ce samedi 29 décembre, nous étions une cinquantaine de militant(e)s de tous âges à aller discuter individuellement avec les gens dans les rues de Bayonne à Hendaye sur le bien fondé d'une consultation de la population d'Iparralde sur son avenir institutionnel.
Nous avons ainsi eu des centaines et des centaines de discussions individuelles, argumentations, contrargumentations, attaques, insultes, soutiens et encouragements.
Nous avons recueilli 1729 signatures en soutien à la consultation(2).



(1)Pour ceux et celles qui ont envie de maîtriser ces concepts (tactique, stratégie...) fondamentaux dans l'action militante, une formation particulièrement intéressante est organisée à Bayonne le samedi 2 février par la Fondation Manu Robles-Arangiz avec Philippe Corcuff, sociologue et intellectuel politique de grande qualité. Il s'agira d'une formation spéciale, qui aura lieu toute la journée (jusqu'à 18H00). Tous(tes) ceux qui le peuvent sont vivement invités à réserver leur place dés maintenant, c'est vraiment le genre de journée à ne pas rater, et qui apporte beaucoup dans le parcours d'un(e) militant(e).

(2)Tous les abertzale sont appelés à apporter leur pierre à cette campagne en prenant en charge au moins un lot de 50 cartes à faire signer ou en participant aux Samedi-Batera où des militant(e)s se retrouvent pour aller recueillir des signatures dans différents endroits de la côte basque. Avec cette journée du 29 décembre, la barre de 70 % de l'objectif à atteindre vient d'être franchie. Il ne reste plus que 13500 signatures à récolter pour arriver à l'objectif des 46 000 !
 
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