Les choix économiques de la France

Publié le par Alda

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Eric Mailharrancin

Une dépendance accrue vis à vis de l’Union Européenne


Un sujet important a été étrangement absent de la campagne des présidentielles : l'Europe.
Comme si ce thème gênait, comme si le rejet du projet constitutionnel par les français avait placé ce sujet au second plan. En revanche, dans la foulée du Front National, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal n'ont cessé de brandir le drapeau tricolore, d'évoquer la grandeur de la France et d'exalter l'identité nationale.
Ce parti pris patriotique paraît surréaliste au regard des réalités économiques d'aujourd'hui.
Si l'Etat français conserve les pouvoirs régaliens de la police, de la justice et de la défense, force est de constater que sa marge de manœuvre au niveau économique est de plus en plus réduite.
Certes, de nombreuses compétences restent nationales : la protection sociale, la politique sociale, la politique de l'emploi, la fiscalité (qui sera traitée lors de ma prochaine conférence à la Fondation(*)),... Mais la liste des pouvoirs économiques transférés à l'Europe par les Etats est longue.
En premier lieu, depuis le traité de Maastricht et la création de l'euro, les Etats de l'Union ont abandonné tout pouvoir de contrôle de la création monétaire. L'Etat français n'a pas seulement perdu le franc mais aussi toute possibilité d'agir dans le domaine monétaire : le niveau des taux d'intérêt est désormais fixé par la Banque centrale européenne, selon des critères techniques, de manière totalement indépendante du pouvoir politique. La politique monétaire était pourtant un instrument essentiel d'action sur la conjoncture économique. Par exemple, la baisse des taux d'intérêt, en favorisant la demande de crédit et l'endettement, stimulait la consommation des ménages et l'investissement des entreprises. A l'inverse, une hausse des taux d'intérêt permettait de lutter contre l'inflation.
D'autres domaines d'intervention économique ont été transférés au niveau européen. Les secteurs de l'agriculture et de la pêche sont depuis longtemps dépendants des aides de Bruxelles. La réussites industrielles dont la France s'énorgueil-lit, telles que les programmes Airbus ou Ariane Espace, n'auraient jamais été possibles sans l'Union européenne. La lutte contre la concurrence déloyale, le contrôle des opérations de concentration des grandes entreprises sont inopérants au niveau national et ne sont plus efficaces qu'au niveau européen. Les grands projets d'infrastructures tels que la modernisation des ports ou l'aménagement des lignes ferroviaires à grande vitesse sont tributaires des crédits européens.
Au niveau mondial, l'Europe négocie d'une seule voix auprès de l'Organisation Mondiale du Commerce. Sur le plan juridique, la majorité des lois votées au Parlement français ne sont que des transpositions de directives européennes. Même la politique budgétaire est sous contrôle de l'Union : sous peine de fortes amendes, l'Etat français n'a pas le droit d'avoir un déficit budgétaire dépassant 3% du PIB, et la dette publique ne doit pas excéder 60% du PIB.
Le silence des principaux candidats sur l'Europe est d'autant plus préoccupant que l'Union traverse une crise grave qui compromet son avenir.
Faute d'adoption d'une constitution, l'Union européenne élargie est ingouvernable. Le principe actuel de vote à l'unanimité des 27 pays membres pour les principales décisions condamne l'Europe à l'immobilisme et les politiques transférées par les Etats à l'Europe ne peuvent être appliquées de manière efficace.
L'absence de constitution et de véritable projet politique européen nous condamne à une Europe a minima, une vaste zone commerciale, libérale et sans contrôle, où les ajustements se font toujours par le bas : les entreprises se délocalisent vers les pays à faibles salaires et les fortunes s'expatrient vers les pays pratiquant la fiscalité la plus avantageuse. L'intégration récente de plusieurs pays au niveau économique très faible risque d'aggraver dangereusement ces dérives.
N'en déplaise aux candidats à la présidentiel-le, malgré "sa grandeur" et son "rayonnement dans le monde", la France ne pèsera plus grand-chose dans l'économie mondiale sans une Europe forte et unie. Il est urgent, qu'au même titre que le développement durable, le renforcement politique de l'Union européenne redevienne une priorité de nos gouvernants.



(*)Jeudi 3 mai (de 19h00 à 21h00)  - Impôts, politiques fiscales...et les choix de société qui se cachent derrière.

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