“L’espoir renaît”

Publié le par Alda



Txema Ramirez de la Piscina, professeur de l’Université du Pays Basque (EHU-UPV)

“Il faut créer un mouvement sympathique, aimable et généreux, capable de faire des alliances, ferme dans la défense de tous les droits humains mais ne renonçant pas à la sympathie.”

Alda! publie à partir de cet été une série de textes ou articles sur les processus
souverainistes civils à travers le monde. Qu'est-ce qu'un processus souverainiste civil ? Qu'est-ce que  l'accumulation des forces en vue de l'obtention de la souveraineté par les voies civiles ? Concrètement, comment marche cette accumulation de forces ? Quels sont les moyens les plus efficaces qui permettent d'obtenir des changements inimaginables il y a quelques années (référendum sur la souveraineté, etc.) ? Quelles sont les méthodes utilisées pour rendre l'idée de souveraineté de plus en plus populaire voire nécessaire dans la population ?Nous débutons cette série avec la traduction de l’article de Txema  Ramirez publiée en décembre dernier dans Berria.


2007 a été une année dure. Les optimistes sont devenus une espèce en voie de disparition. La cruauté de l'Etat et la cécité de l'ETA ont cheminé main dans la main.
La conséquence est évidente : le désespoir de tout côté.
Dans cette mauvaise ambiance, j'ai eu l'opportunité de découvrir un article intéressant  du psychiatre Blas Erkizia. Son titre est "Le bonheur, espoir du quotidien". Cet article vient d'être publié dans le supplément Larrun de l'hebdomadaire Argia. Le point de départ de l'article est une pensée en apparance paradoxale à tout point de vue : "faiblesse, insécurité et ignorance constituent l'unique patrimoine de l'être humain". Cette origine est en fait le point central de l'article ; en effet, beaucoup de personnes se sentent actuellement sans force ni protection et sans cap (et moi aussi, pourquoi le nier ?).
Erkizia explique ce paradoxe de cette façon : "la force surgit en situation de faiblesse, la sécurité se base sur l'insécurité et le savoir sur l'ignorance". De nombreux problèmes et conflits politiques s'éternisent et pourrissent avec l'excuse "maintenant ce n'est pas le moment approprié".
Cependant, Erkizia suit son chemin : "l'espoir part de l'obscurité de la réalité du moment. L'espoir n'est qu'élément du présent. Le bonheur se construit dans la correction des chemins quotidiens.".

L'Europe comme axe

En voyant comment a changé la carte de l'Europe depuis la chute du mur de Berlin, l'espoir renaît. Des 49 Etats qui forment le vieux continent, 17 sont une création récente. Deux autres, Allemagne et Russie, ont augmenté ou réduit leurs frontières de façon significative.
Des nations qui sont devenues Etat, six sont entrées dans l'Union Européenne sans grande difficulté : Slovaquie, Slovénie, Estonie, Lettonie, Lituanie et République Tchèque. Dans les prochains mois ou prochaines années, le Kosovo, la Flandre et l'Ecosse pourraient prendre le chemin de l'indépendance.
Les vieux axiomes ont été renversés. Les frontières ne sont plus intouchables ni immuables. Les voies utilisées par ces pays pour obtenir l'indépendance sont différentes. Chacun a suivi sa voie spécifique. Mais dans tous les cas la volonté populaire a été respectée. De la même façon, dans tous les cas de figure la diplomatie, c'est-à-dire le fait d'avoir des alliés dans le pays et à l'extérieur, a été décisive.
Chaque fois qu'un de ces pays a obtenu l'indépendance, la réaction des autorités de Madrid a été excentrique et plus exactement pathétique. "Non, non, la défense de l'indépendance du Kosovo n'a aucune relation avec la réalité qui existe en Euskadi", a dit Miguel Ángel Moratinos. Ni celle du Kosovo, de la Biélorussie, de la Georgie, de l'Ukraine, de la Macédoine. Les citoyens basques, nous ne sommes pas de ce monde, nous sommes des martiens.
Et pourtant, nous vivons sur cette planète. Certes nous sommes différents. Et c'est pour cela justement qu'il est possible d'effectuer des comparaisons. Aristote a étudié magistralement l'art de la comparaison et de la métaphore. De fait, les comparaisons sont possibles entre des réalités différentes. Comparer deux éléments identiques n'a pas de sens. Le professeur de sciences politiques et journaliste Xosé Luís Barreiro l'explique très clairement: "Si les médicaments utilisés dans la moelle osseuse de la souris peuvent servir à un paraplégique, pourquoi le processus de pacification de l'Irlande, par exemple, ne pourrait servir pour celui du Pays Basque ?" Si on apprend des abeilles ou des singes, pourquoi ne pourrions-nous pas  apprendre des Irlandais ou des Ecossais ? On peut avoir des origines différentes, mais être comparables au moment de chercher des solutions.
L'Europe bipolaire de la Guerre Froide a disparu. Nous avons comme modèle une Europe multipolaire. L'Europe des peuples est en train de se construire. Servons-nous de ces paradigmes et de ces synergies naissantes.

Souveraineté sociale

En Europe, ces nouvelles situations se sont créées à partir de la volonté des majorité. 
Réussir l'adhésion de la majorité, séduire son cœur, attirer sa volonté. C'est là que résident l'objectif et le défi. Mais comment y parvenir ? Avec la proposition d'Ibarretxe ? Ibarretxe a centré son programme sur le droit de décision. Sacrée devise...
En ce qui concerne le train à grande vitesse, par contre, il nous a nié le droit de décision. Certes, c'est une décision du Parlement. Cependant, nous avons souvent la preuve que les décisions du Parlement et la volonté citoyenne ne sont pas en phase.
Le plus grand investissement jamais réalisé au Pays Basque en terme d'infrastructures ne peut passer inaperçu, sans débat à la télévision publique. De quoi a peur Nuria López de Gereñu ?(1) Où réside la souveraineté? A quoi nous sert le droit de décision si nous ne le mettons pas en pratique chez nous ?
Il nous faut un autre type de souveraineté. Un mouvement social solide et innovant, avec des basses civiles, amples et sincères, capable d'embrasser l'identité avec les revendications de l'altermondialisme.
La fin du conflit basque commencera à se réaliser quand la bataille de l'opinion publique sera gagnée. Cette bataille ne peut se gagner via l'imposition ni par le biais de chloratite (explosif).
D'un point de vue métaphysique c'est impossible, parce que cette victoire n'arrivera que si elle repose sur la libre volonté des citoyens.
Cette bataille sera livrée à différents niveaux : au Pays Basque, en Espagne, en France et aussi en Europe.
Il faut créer un mouvement sympathique, aimable et généreux, capable de faire des alliances, ferme dans la défense de tous les droits humains mais ne renonçant pas à la sympathie. A mon humble avis, si ce mouvement se concrétise, il sera imparable.
Je terminerai avec une autre pensée du psychiatre Erkizia. "Le bonheur c'est, après que chacun ait assumé et pris à bras le corps son passé, l'espoir qu'il construit à partir de la dure réalité du quotidien".


 

(1) Conseillère du Gouvernement de la Communauté Autonome Basque pour le Transport et les Travaux Publics.
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