L'avis des citoyens

Publié le par Alda

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par Julien Iladoy/ Membre du Collectif Alerte OGM du Pays Basque(1)

Le pouvoir politique se doit  non seulement de consulter mais aussi d'intégrer l'avis des citoyens

Pourquoi agir dans un monde incertain(2) ?
L'incertitude, l'absence ou la non diffusion de connaissances scientifiques, le débordement des politiques par des questions indécidables doivent être considérées comme autant de chances d'inventer, de créer de nouveaux espaces de construction démocratique. Lorsque les scientifiques, comme c'est le cas pour les OGM, ne parviennent pas à stabiliser le débat, le pouvoir politique se doit  non seulement de consulter mais aussi d'intégrer l'avis des citoyens, même lorsqu'ils peuvent être jugés profanes sur le sujet. En effet, il existe d'autres formes de rationalités que l'histoire des sciences n'a pas retenu comme pertinentes mais qui semblent aujourd'hui les seules à permettre d'agir dans un monde incertain. Qu'elles prennent le nom de bioéthique ou celui de principe de précaution, elles permettent de secouer les piliers des laboratoires en montrant que les problèmes techniques, scientifiques, apparemment inabordables peuvent naître ou se faire violemment critiquer par de simples profanes. Ainsi, les premières méfiance vis à vis des OGM entraient dans le champ de la bioéthique, il s'agissait de réaction face à la manipulation du vivant, le croisement inquiétant du règne animal avec le règne végétal. L'intégration de ces réflexions, jugées par la science comme infondées, a permis   non seulement d'accentuer la controverse sur les OGM mais aussi de faire sortir les OGM de la sphère scientifique pour les intégrer dans le champ du politique faisant par la même ralentir le développement de cette technologie.
Aujourd'hui, nombre d'études concordent pour démontrer la dangerosité des OGM et la non maîtrise technique de la transgénèse. Les Etats, comme l'Allemagne, où, sur les questions environnementales et sanitaires, le décloisonnement entre la science, le pouvoir politique et le mouvement citoyen est plus avancé qu'en France, tendent à freiner l'imposition des OGM par les multinationales de l'agrochimie.

Décloisonner le débat scientifique pour investir la sphère politique.
Depuis une dizaine d'années, l'Etat multiplie procédures de "consultation", de "débats publics", au nom de la “fa(u)meuse” démocratie participative. Si l'on passe outre le fait qu'aucune valeur juridique n'est donnée à ces consultations, l'efficacité de telles démarches est de toute manière douteuse d'un point de vue démocratique car elles tombent sous le coup de l'expertise. Une  violence s'opère entre les détenteurs du savoir normalisé et les citoyens. L'instauration d'un véritable débat constructif oeuvrant littéralement pour l'intérêt général passe par un refus du monopole des experts scientifiques et techniques sur le savoir. 
Pour remettre en question le fonctionnement de la vie politique, il convient d'instaurer un dialogue entre profanes, dirigeants et scientifiques visant une véritable démocratisation du savoir. Pour cela, il n'y a malheureusement rien à attendre des pouvoirs en place,  l'opacité sert trop bien les intérêts économiques et politiques dirigeants. En revanche, comme on l'a vu  précédemment, lorsque l'on parvient à décloisonner le débat scientifique, à imposer les rationalités de chacun, il est possible d'inverser le rapport de force. En son sein, le Collectif Alerte OGM Pays Basque est parvenu à créer cet espace de discussion où les motivations et savoirs de chacun sur la question sont vulgarisées, débattues et c'est l'ensemble de ces réflexions qui motive le collectif à s'opposer la culture de maïs transgénique en plein champ.
Pour faire infléchir la décision politique, ce qui a été réussi au niveau du Collectif doit être reproduit au delà des milieux "sensibilisés". C'est pourquoi, l'un des principaux axes de travail du collectif est la diffusion d'informations et la multiplication des espaces de débats intégrant citoyens, politiques, agriculteurs et promoteurs des OGM.

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(1)Voir: Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique. M. Callon, P. Lascoumes, Y. Barthe. 2001.
(2)http://eh.anti-ogm.org

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