Vers le post-capitalisme

Publié le par Alda

Gus Massiah

Gus Massiah, membre du Conseil International du Forum Social Mondial et du Conseil Scientifique d’Attac


Sociales, géopolitiques, démocratiques et écologiques...
ces 4 contradictions majeures du capitalisme

sont prises en compte par l’altermondialisme

 

Gustave Massiah est économiste et un des acteurs majeurs de l’altermondialisme depuis  de nombreuses années. Dans le livre «Une stratégie altermondialiste», qu’il vient de publier il interroge  les deux questions stratégiques majeures posées au mouvement altermondialiste. Le rapport  au pouvoir, et au politique, et, les bases sociales et les alliances de la transformation sociale, écologique, politique et culturelle.   

Il donnera une conférence le jeudi 28 avril à 20h30 à l’IUT Château- Neuf de Bayonne dans le cadre du Forum  sur le Capitalisme organisé par Bizi! et la Fondation Manu Robles-Arangiz.  Voici ses réflexions sur le capitalisme et les formes de vie post-capitaliste.

Le capitalisme
Le capitalisme est un rapport social différenciant le capital et le travail ! C’est le contrôle du capital (qui ne se limite pas à  la propriété juridique) qui permet de se procurer les moyens de production (terres, usines, argent, etc.), de mettre au travail des gens, de leur payer des salaires et de pouvoir s’approprier le profit (la différence entre la valeur de ce qui est vendu et le travail qui a permis de le produire). C’est cela la logique systémique du capitalisme : c’est le rapport social de propriété et de contrôle du capital, soit par le privé, soit à travers l’Etat...
Comme le mentionne l’historien Fernand Braudel, le système économique capitaliste naît au 12e/13e siècle et se généralise et se renforce à partir de 1492. Cependant, le capitalisme se déploie par phases. De la crise de 1929 à 1980 il a connu une phase sociale / libérale,  Keynesienne / Fordiste (avec l’intervention des Etats, un capitalisme industriel et l’organisation scientifique du travail) et depuis 1980 à nos jours, nous sommes dans une phase néo-libérale (du “laisser faire, laisser passer”) et de financiarisation. Avec la crise (immobilière puis boursière) de 2008/2009, tout le monde a reconnu les limites de la rationnalité de la logique du marché mondial des capitaux.
Mais cette crise n’est pas uniquement celle d’une phase du capitalisme. C’est le système économique capitaliste lui-même qui vit une crise qui a 4 grandes dimensions et contradictions fondamentales reliées entres elles.


La crise sociale
Il y a une crise entre les intérêts contradictoires des couches sociales, au sein de chacune des sociétés, et, au niveau mondial. C’est l’approfondissement des contradictions entre classes dominantes et couches populaires ! Que s’est-il passé dans la phase néolibérale qui a accentué ce rapport social ? En fait, la financiarisation a fait exploser les profits par rapport aux salaires tout en développant du chômage, la précarisation, etc. entraînant la ruine de régions et de pays. Au sein même de la classe possédante on a vu la naissance d’oligarchies (via des inégalités de revenus inimaginables).  Ainsi, alors que Ford (loin d’être un gauchiste) disait dans les années 45  que “la différence de revenus entre le patron et les ouvriers ne devait pas être  supérieure de 1 à 40”... actuellement  elle est de 1 à 200 voir 500! Ces oligarchies contrôlent des pays et l’économie mondiale à travers les paradis fiscaux et la concentration de richesse. Mais, les inégalités sociales sont tellement fortes qu’elles se traduisent par des révoltes et des remises en cause de la captation des richesses.

La crise géopolique
Le néolibéralisme dans les années 80 s’est construit sur la remise en cause de la décolonisation (à travers le soutien à des régimes dictatoriaux, la crise de la dette, etc.) pour garantir son accès aux matières premières (via des guerres ou interventions militaires).

La crise géopolitique actuelle est liée au fait qu’un certain nombre de pays émergents (décolonisés) conteste cette domination... et de fait concurrencent les pays occidentaux. 

La crise idéologique
C’est la question de la démocratie et des libertés ! D’une part (en Tunisie, en Egypte et ailleurs) nous assistons à la manifestation du refus des inégalités sociales et à la montée de la revendication de liberté et de démocratie et d’indépendance. D’autre part (en Occident), on voit aussi la montée des idéologies sécuritaires et de la xénophobie qui permet de détourner les regards de la crise sociale.

Les limites de la planète
C’est une dimension nouvelle. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité  l’organisation monde rentre en contradiction avec les limites de la planète... La survie de l’espère humaine sur la planète est remise en cause : à travers le dérèglement du climat, la dégradation de la  bio-diversité, l’épuisement des ressources naturelles, etc.
On n’est pas seulement  une crise du néoliberalisme mais face à une crise du capitalisme lui-même c’est à dire des formes de production productivistes (qui pensent que pour pour échapper à la crise il faut augmenter la production et et la productivité).
Les limites écologiques montrent que cette voie se ferme. On se retrouve devant une crise du capitalisme : qui remet en cause les fondements même de ce rapport de production. C’est aussi une crise de la civilisation dominante, occidentale, et du fondement de sa conception de la modernité et du progrès basée sur une relation particulière entre l’espèce humaine et la Nature.

La logique anti-systémique
Dans toute période historique il y a une logique systémique/dominante... et aussi une logique anti-systémique !  De 1945 à 1980 le capitalisme industriel avait comme contre pouvoir le mouvement ouvrier et syndical. Actuellemenmt le mouvement anti-systémique c’est l’altermondialisme qui prend en compte des 4 contradictions (sociales, géopolitiques, démocratiques et écologiques) majeures du capitalisme.


Ce mouvement anti-systémique s’est construit dès le début du néolibéralisme à travers des luttes contre la dette, la faim, les interventions militaires, la Banque Mondiale, le FMI, etc. Ce mouvement altermondialiste est un mouvement historique qui comme tout mouvement historique prolonge et renouvelle les mouvements historiques précédents : mouvement ouvrier, de décolonistation, de libération, etc. Il met en avant une logique contradictoire avec le capitalisme : égalité des droits ou l’accès au droit pour tous au niveau mondial alors que le capitalisme consiste à  réserver les richesses à une élite en re-distribuant une partie mais en contrôlant les richesses! Pour cela, il faut mettre en avant les droits civils et politiques, les droits économique, sociaux et culturels, le droit  des peuples à l’autodétermination et l’égalité devant les droits écologiques et celui de la liberté de circulation des personnes (nouveaux droits se développant aujourd’hui).
Cela montre ce qui de nos jours s’oppose au capitalisme et la base à partir de laquelle on peut voir les sorties possibles de ce système économique.

Trois évolutions possibles par rapport aux contradictions actuelles
Nous sommes dans une sortie de crise qui est longue, car la sortie du capitalisme se passe à l ‘échelle de l’histoire !
Les oligarchies financières qui dirigent  actuellement veulent garder le pouvoir  : comme ils n’ont plus de possibilité de sortie via plus de production, de productivité, de croissance... sans se heurter à d’autres limites,  ils peuvent être tentés par des sorties conservatrices : guerre, remise en cause des libertés, de développement de la destabilisation générale comme on connaît dans certaines régions. Un des grands dangers, comme en 1929, c’est la sortie par le fascisme (régimes autoritaires, etc.).
On le voit en Europe via la remise en cause des libertés alors que le peuple demande des libertés et progrès social. C’est une voie possible... mais pas inéluctable!

Voie de réforme interne et  de modernisation du capitalisme. Tout comme en 1929 le New Deal a été imposé par Roosevelt et Keynes se traduisant par le social libéralisme entre 45-80. A l’intérieur du capitalisme et des couches populaires on veut arriver à une meilleure répartition entre salaires et profits (offrant des améliorations pour les couches populaires ). C’est la solution par une économie plus régulée et verte... par le Green New Deal ! On peut considérer qu’elle n’est pas suffisante (confrontée aux difficultés liées à la vraie re-distribution : elle se confrontera à la crise du capitalisme lui-même... et pas seulement à la crise du néo-libéralisme) !
De nouveau il y a une actualité de l’idée du dépassement du capitalisme, de sortie du capitalisme et d’autre mode d’organisation du monde et de chacune des sociétés ! La question qui se posera est de savoir comment refuser les guerres, les formes de fascisme, la réduction des libertés et les issues régressives... et en même temps ouvrir la discussion sur la sortie du capitalisme par rapport à sa modernisation ! C’est la question qui se pose à l’ensemble des couches populaires et du mouvement altermondialiste.

 

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Développer, articuler et combiner différentes modalités pour inventer !
A une époque on pensait que la révolution consistait à inventer un modèle et à l’imposer par un parti d’avant  garde. Ce n’est plus le cas. La vraie question s’est d’ inventer au fure et à mesure de nouvelles formes de dépassement du capitalisme.
Cela passe par : 
1/ Des luttes et résistances qui permettent de développer de nouvelles propositions, car selon Deleuze, “Résister c’est créer!”
2/ L’élaboration intellectuelle ! Qu’elles soient populaires, paysannes, ouvrières ou universitaires... toutes les formes d’élaborations sont nécessaires !
3/ La bataille pour des politiques publiques permettant un meilleur accès au droit !
4/ Des pratiques alternatives : développées à travers l’économie sociale et alternative (les formes de vie en commun, les AMAP...). Tout ce qui est inventé pour voir comment on peut dès aujourd’hui commencer à construire des alternatives au capitalisme, même si ces formes ne seront complètes qu’à partir des ruptures avec la logique systémique !
 

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