"Là où il y du pétrole, c'est un monde de brut!" (1/2)

Publié le par Alda

 par Yves Cochet

 

 

 

 

 

 

Yves Cochet, député vert, se présente comme ayant été “longtemps gradualiste et féliciste”. L'avènement proche du pic de Hubbert (ou la proximité du déclin de la production de pétrole) le pousse a être “véridiciste”. Comme il l’explique lui-même : “ça ira plus mal demain, mais nous pouvons atténuer le choc par une mobilisation de tous et dans tous les domaines - en commençant par l'agriculture et les transports”.
A un mois de la conférence qui aura lieu au local de la Fondation à Bayonne, Alda! a effectué une interview d’Yves Cochet.
Ce numéro sera consacré au diagnostique de la situation et expliquera le pourquoi et les conséquences de la fin du pétrole pas cher. Dans 15 jours, les alternatives et politiques publiques envisageables seront présentées ainsi que la notion d’empreinte écologique et de “société de sobriété”.

Fin du pétrole bon marché... ou fin du pétrole tout court ? Que nous apprend le Pic de Hubbert sur l'exploitation des ressources non renouvelables ?
Il faut surtout parler de la fin du pétrole bon marché. En effet, même en 2030 il y aura encore beaucoup de pétrole, mais moins qu'aujourd'hui. Ce renchérissement du pétrole tient à 3 facteurs:

1/Une baisse d'origine géologique : le maximum mondial de production de liquide hydrocarboné sera bientôt atteint. En effet, le pétrole est une énergie non renouvelable à échelle humaine. Ainsi, depuis un siècle et demi d'extraction industrielle du pétrole, on calcule que 50%  des réserves ont été utilisées. Le pétrole restant à extraire demandant beaucoup plus d'investissement pour une qualité moindre, les prix augmenteront.

2/Un excès structurel de la demande de pétrole par rapport à l'offre. Cela rendra les chocs pétroliers à venir plus durables que les chocs d'origine politique des années 70.

3/Un aspect géopolitique : le pétrole c'est la guerre. Là où il y a du pétrole une élite dirigeante vit de la rente du pétrole (souvent au dépens de la population) et ces pays sont visés par le comportement prédateur des pays grands consommateurs comme les Etats-Unis. L'Irak est un exemple clair de ce cas : le prétexte de la dictature ne tenait pas (sinon la moitié des pays de l'Onu auraient été visés). On sait ce qu'il en est des Armes de Destruction Massive. Seul le pétrole abondant et facile d'accès de l'Irak a justifié cette opération.
La méthode du géophysicien étasunien King  Hubbert (1903-1989) vaut pour les énergies primaires issues du sous-sol comme le pétrole, le gaz, le charbon et l'uranium. Elle nous dit qu'il y aura un pic de production, suivi d'un déclin.

Compte tenu que les sources primaires d'énergie à l'échelle mondiale sont :
*40% : pétrole
*20% : gaz
*20% : charbon
*10% : nucléaire
*10% : bio-masse et l'hydro-électricité
… il faut se préparer à cet avenir très proche !
Mais, comme le pétrole liquide est l'énergie primaire la plus facile à déplacer, stocker, utiliser avec un bilan énergétique positif et d'innombrables applications, personne ne prépare une alternative.


Sur ce sujet où les experts ont des avis variés comment peut se tenir informé le lecteur de Alda ?
Difficilement. L'opinion mondiale des décideurs ignore le pic de Hubbert.  L'Agence Internationale de l'Energie (organe autonome de l'OCDE) et l'Institut Français du Pétrole estiment que de 85 millions de baril/jour de liquide pétrolier on passera à 120 millions en 2030. Pour eux il peut y avoir des hauts et des bas dans la production et les prix, mais il n'est pas question de pic de production. Or, depuis quelques mois, le plafond actuel de 85 millions semble très difficile à franchir.

Quelles sont les conséquences actuelles et à venir de la fin du pétrole pas cher au niveau géopolitique ?
Dans de nombreuses régions/pays du monde où il y a du pétrole (Irak, pourtour de la Mer Caspienne (Iran, Azerbaidjan, Russie, Kazakhstan, etc.), le Golfe de Guinée (Nigéria, etc.))... il y a des tensions. Une prédation (de la part des Etats-Unis, de la Chine et d'autres grands consommateurs) des dernières ressources non renouvelables de la planète s'organise et crée des tensions. Le pétrole est un monde de "brut" !

Plus "près" de nous, quelles sont et seraient les conséquences sur nos routines quotidiennes de la fin du pétrole pas cher ?
La fin du pétrole bon marché va bouleverser notre économie et nos modes de vie, notamment dans le transport et l'alimentation.
Transports
La mobilité actuelle dépend essentiellement du pétrole :
Les transports terrestres ont des taxes que les Etats modulent. Ceci fait que les citoyens ne prennent pas toujours conscience que l'Energie est de plus en plus chère.
Par contre, les transports aériens sont alignés sur le cours de kérosène qui est détaxé et donc indexé sur celui du baril !
Imaginez les conséquences sur les Low Cost dont 1/3 du prix du billet est celui du kérosène : dans 10 ans il n'y aura plus de compagnies charters. Et dans 20 ans les compagnies d'aviation civile de masse seront aussi beaucoup moins nombreuses. Ceci ne sera pas sans conséquence sur les 75 millions de touristes qui viennent visiter la France chaque année, et sur tous les emplois que cela crée, notamment dans l'hôtellerie-restauration.
Alimentation
Enfin, dans le domaine de l'agriculture, les conséquences seront très importantes pour l'Union Européenne et ses près de 450 millions de consommateurs d'alimentation. En effet, en Europe :

*1 calorie alimentaire ingérée par le consommateur final a besoin de 13 calories en amont, dont 7 provenant du pétrole, pour arriver dans notre assiette. Si le coût de l'énergie augmente, l'agriculture productiviste aura du mal à maintenir les prix accessibles.

*80% de nos achats alimentaires se font dans les grandes surfaces dont les produits proviennent du monde entier, car, pour l'instant, les transports ne coûtent pas cher.

Bref, même à 60-70 $ le baril, comme actuellement, le pétrole n'est pas trop cher. Imaginez-le à 100-120$ dans quelques années avec le litre de super à 2,50 €, ce sera bien différent !

 

Publié dans Transport - Garraioa

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